Après sa trilogie autour du corps extatique, Lisbeth Gruwez crée pour la première fois une pièce qu'elle n'interprète pas elle-même, laissant la scène à onze danseuses.
Quittant l'individu pour le groupe, elle est comme toujours partie d'une problématique à la fois simple et personnelle : comment ré-établir des connections perdues ? Ici un ensemble de femmes parcourt donc le plateau, s'assemble et se disjoint, et malgré la solitude de chacune, compose un paysage commun, en mouvement permanent, semblable à un magma. Se dessinent des hélices et des spirales qui évoquent la structure de l'ADN, comme pour revenir à la structure originelle, à partir de laquelle renaître et repartir, quittant la matrice de pensées tournoyantes dans laquelle nous sommes enfermés.
Sensible à l'idée que le chaos est une forme d'ordre, en écho aux thèses du physicien Ilya Prigogine selon lequel « le non-équilibre est la voie la plus extraordinaire que la nature ait inventée pour coordonner et pour rendre possibles des phénomènes complexes », Lisbeth Gruwez laisse émerger les sensations. La bande-son, composée comme toujours par Maarten Van Cauwenberghe, dessine elle aussi une forme de vague, qui crée un espace affectant directement le spectateur.
Dans The Sea Within, les êtres se dissolvent dans le paysage, et se fondent dans une totalité qui permet de dépasser les dichotomies habituelles - entre le corps et l'esprit, l'ordre et le chaos, l'immobilité et le mouvement, soi et l'univers. Un flux se forme, dans lequel chacune prend sa place, comme une méditation collective, un « couque » rituel qui permet de construire une communauté sans domination et de laisser émerger quelque chose d'inédit.
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