Loin d’Hagondange - Faire bleu

du 23 au 24 mars 2001

Loin d’Hagondange - Faire bleu

Vingt-cinq ans après avoir écrit Loin d'Hagondange, je suis retourné à Hagondange et j'y ai vu le parc Schtroumpf, installé sur l'ancien site des mines. Les enfants des sidérurgistes y travaillent et ont endossé le déguisement des petits bonshommes bleus. J'ai donc écrit " Faire bleu ".

Intentions
Loin d'Hagondange
"Un scandale par omission"
Faire bleu
"Faire Bleu", extrait
Revue de presse

Intentions

Loin d’Hagondange

Cette pièce fondatrice du "nouveau réalisme" ou "théâtre du quotidien" a été créée en Avignon à Théâtre Ouvert, puis à la Comédie de Caen en 1976 dans une mise en scène de l'auteur. Elle reçoit alors le Prix de la Critique. Patrice Chéreau la monte en 1977. Elle sera jouée dans plus de vingt pays, traduite en dix-huit langues.
Vingt-trois ans après la création de sa pièce, devenue un "classique de la création contemporaine", Jean-Paul Wenzel la met à nouveau en scène.
La pièce raconte la vie d'un couple d'ouvriers après une vie de travail dans les aciéries d'Hagondange. Une retraite qui se voudrait paisible, mais que faire de cette "vacance" quand on n'y est pas préparé ?

"Faire bleu"

"Vingt-cinq ans après avoir écrit Loin d’Hagondange, je suis retourné à Hagondange et j’y ai vu le parc Schtroumpf, installé sur l’ancien site des mines. Les enfants des sidérurgistes y travaillent et ont endossé le déguisement des petits bonshommes bleus. J’ai donc écrit “ Faire bleu ”.

Avec ces deux pièces je veux mettre en regard l’histoire de ces deux couples d’ouvriers et leur manière d’encaisser le choc d’une vie vouée presque entièrement au travail et rendue à la "vacance" à l’aube de la vieillesse. L’inquiétude, le désarroi voire les déflagrations visibles et invisibles que cela provoque dans leur vie de tous les jours, dans la conscience qu’ils ont d’eux-mêmes, de l’autre, du temps qu’il leur reste à vivre... de l’infini."

Jean-Paul Wenzel (fév. 2000)

Loin d'Hagondange

En 1998, Jean-Paul Wenzel a écrit "Faire bleu" comme un écho à Loin d’Hagondange. Un quart de siècle plus tard, le quotidien semble s’être modifié, le temps de la retraite aussi, et pourtant l’occupation de ce "loisir obligé" que sont la retraite ou la préretraite reste souvent douloureuse.
Il ne s’agit pas tant de s’appesantir sur la retraite que de "traiter" à nouveau le quotidien par cette écriture apparemment "simple" où chaque mot compte, pour sous le naturel découvrir l’insolite, comme le suggérait Brecht. Dans "Faire bleu" l’usine d’Hagondange est devenue "parc de loisirs avec Schtroumpfs" et la passion de la vidéo a supplanté le besoin de reproduire l’atelier à la maison...

Dans cette nouvelle production, les deux pièces sont créées en diptyque de façon à respecter le processus d’écriture :

Une même structure mobile construite spécialement abrite l’espace scénique et l’espace public. Ce dispositif, conçu et réalisé par Napo, se déplace avec le spectacle, quelle que soit la salle dans laquelle il est accueilli. Les deux pièces - courtes - sont ainsi jouées en tous lieux dans les mêmes conditions pour les spectateurs et pour l’équipe de création.

Les trois mêmes acteurs – Olivier Perrier, Monique Brun et Sandrine Tindilière – jouent dans les deux pièces, dont la construction littéraire est volontairement similaire.

La scénographie de François Mercier tient évidemment compte de cette similitude (dans la différence) et propose un espace modulable entre les deux pièces.

"Un scandale par omission"

Voici une courte pièce que j’ai lue d’abord, puis que j’ai vue dans une très belle mise en scène de l’auteur, et dont la force m’a bouleversé. Puissé-je parvenir à transmettre cette émotion: c’était comme une protestation devant le vieillissement des corps et devant l’idée même de la retraite, c’était comme un refus de ces deux êtres qui ne savent pas qu’on peut se révolter, qui ont dépensé leur vie à payer très cher le temps qu’ils pourront passer plus tard à bien vivre, et qui n’osent pas découvrir qu’il n’y a plus rien à vivre, que c’était avant qu’il fallait vivre. Il s’agit d’une pièce terrible, parce qu’elle n’est ni cruelle, ni sentimentale, ni pathétique. C’est une histoire comme des milliers d’autres, l’histoire de deux personnes qui n’ont pas d’histoire – deux personnes comme on en voit peu au théâtre : les auteurs les convient rarement sur un plateau ; quant aux salles, elles n’y entreraient jamais.

Ce texte pose des questions sur la vieillesse. Non pas sur le vieillissement provoqué par tel métier, tel mode d’existence, mais, d’une manière plus large, sur ce qu’il faut faire quand tout se met à péricliter, à dépérir. Voici deux êtres qui ne savent que reconstruire ce qu’ils ont déjà vécu. En même temps, ils sont poussés par des révoltes qu’ils ne peuvent pas exprimer. Ils sont dévorés par le désir de vivre, mais rien n’est gênant comme les gens qui s’accrochent à l’existence : tout est ordonné pour que – mangeant, dormant – ils ne fassent que survivre. Ils ne sont pas les plus malheureux, ni les plus misérables, ni les plus fous : c’est une détresse au fond très normale. Voilà le plus terrible, car c’est là qu’apparaissent des vérités que l’on se cache quand on n'est plus jeune, et qui, ensuite, vous écrasent.

Patrice Chéreau (Extrait de la préface du programme de création de Loin d’Hagondange au TNP Villeurbanne, 1977)

Faire bleu

Ils ont été mis à la retraite anticipée, une façon édulcorée de dire que la grosse machine à rythmer les vies et à les broyer les a recrachés tout crus, un matin de "plus besoin d’eux"!

Depuis, ils essayent de combler le temps entre la morne répétition de rituels quotidiens et les "secousses" de vie, de désir, d’autodestruction, d’aspirations vers le ‘‘grand tout’’ ou le "grand rien" qui les agitent, et par lesquels ils parlent encore, eux qui ont passé leur vie à se taire.

Alors, ce qu’on entend peut-être dans les signaux qu’ils lancent, c’est leur désarroi et leur humour de la vie, leur attachement et leur détachement vis-à-vis des choses et vis-à-vis d’eux-mêmes, leur "insoutenable légèreté" comme leur pesanteur à être, leur aveuglement, comme leur lucidité, leur cruauté comme leur tendresse, leur tentative éperdue à vouloir représenter encore quelque chose pour eux-mêmes alors qu’ils ne représentent déjà plus rien pour les autres...

Ils ont une façon pathétique et impayable de "s’intéresser", lui aux films de science fiction, au progrès des outils de communication, au mystère de l’univers, au voyage sidéral, elle au monde des animaux, aux images de pays qui "dépaysent", aux rêves de voyages lointains...

Le monde du travail qui continuait à obséder le retraité Georges, dans Loin d’Hagondange, au point de se refaire un atelier dans son garage avec horaires de travail, obligations de rendement et grands coups de marteau sur l’enclume, ce monde du travail dans « Faire Bleu » est pulvérisé, renvoyé pompeusement par André lui-même à une sorte de préhistoire : "L’ère des loisirs, de l’informatique, du cathodique a balayé l’ère industrielle. On ne l’a pas vue venir."
Alors, les voici cabotant entre naissance et fin du monde, antenne parabolique et étoiles, chambre d’hôpital et extension de l’univers, cassettes pornos et big-bang, catalogue de voyages touristiques et pressentiment du dernier...

Arlette Namiand

"Faire Bleu", extrait

Scène 9, extrait :
André : Il neige sur toute l’Europe… Le début du refroidissement… Ma tête grossit, elle craque…
Lucie : N’écarquille pas les yeux comme ça, tu me fais peur.
André : Ils s’écartent… Ne regarde pas.
Lucie : André !
André : Mes jambes… rétrécissent.
Lucie : Bien sûr, tu ne fais pas d’exercice.
André : Mes doigts… s’allongent. (Il enlève ses chaussures et ses chaussettes.) Mes muscles… fondent. Mes doigts de pied se racornissent. Déjà, l’ongle est tombé.
Lucie : C’est la vieillerie…
André : Je peux voir de là à là… (Avec son doigt, il indique un angle de plus de 180°) Je peux penser cent choses à la fois… très distinctement… Je vois le futur… Je suis le futur…
Lucie : Arrête… mange.
André : Tu ne comprends pas, je prends les devants… Tu assistes à une… étape de l’évolution… Nous ne sommes pas finis… J’ai mal… Mes membres s’engourdissent… Lucie, les Martiens n’existent pas… C’est nous… un vingt-quatre décembre…
Lucie : André… André, tu plaisantes… Quelle tête tu as… Mon Dieu… Calme-toi… respire… J’appelle le docteur…
(André se lève, renverse la chaise, disperse les peluches, sort en titubant.)
André : Le processus est entamé… Qu’on ne me dérange pas… Il faut laisser faire la nature.
(Lucie compose un numéro, attend, long silence.)
Lucie : Bien sûr… Personne… Savoir s’il plaisante !… Qui appeler maintenant, tous les docteurs fêtent Noël… (Elle est désœuvrée, ramasse les peluches, relève la chaise lentement, finalement s’assied et mange le repas de Noël avec les doigts, puis dit, au bout d’un long moment ) Allons-y pour la transformation des corps.

Noir

Lui : L’univers est infini
Elle : Demain je fais du poisson

Revue de presse

"Les deux pièces - les deux époques - couvriraient-elles le même dessein ? Sous le glacis gris acier pour l'une, sous aquarelle bleu-rose fluo pour l'autre ?
En passant du grave au dérisoire avec la même sincère franchise, les guides, chevronnés, Monique Brun et Olivier Perrier, posent la question sans façon et s'amusent - beaucoup - à ne jamais y répondre." (Le Monde)

"Acteur d'une étoffe rare, Olivier Perrier donne une vérité déchirante à cet homme qui finit par perdre pied. Monique Brun se glisse avec autant de bonheur dans la peau d'une femme de bon sens dépassée par les événements. Wenzel fait l'état des lieux de l'époque avec des mots simples mais d'un brûlante justesse (...)." (Télérama)

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Informations pratiques

Compiègne - Espace Jean Legendre

place Briet Daubigny 60200 Compiègne

Spectacle terminé depuis le samedi 24 mars 2001

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