Comment démettre un despote : en agissant envers et contre tout ou bien en déplorant les évènements sans bouger d’un pouce ? Partant de cette question toujours actuelle, Musset met en scène les destinées de Lorenzo de Médicis et de Philippe Strozzi qui, animés par les mêmes idéaux, veulent libérer leur peuple du tyran Alexandre de Médicis mais en s’y prenant différemment.
Pour plonger au cœur des intrigues florentines du 16e siècle et des questions que pose Musset, les comédiens mêlent jeu de masques, marionnette, mime, virevoltant et restituant l’esprit facétieux de l’auteur et sa perception de la nature humaine. Trois comédiens interprètent Lorenzo de Médicis, Philippe Strozzi et Alexandre de Médicis, dont la confrontation est le moteur de la pièce. Une quatrième comédienne sera le « reste du monde », créant une entité à part entière et donnant toute la mesure de la mascarade politique et sociale.
En 1530, Florence connaît la même période de décroissance que celle à laquelle nous assistons aujourd’hui. La première des causes est la limite du système bancaire. Dans cette conjoncture, aucun système politique n’a pu apporter de solution depuis plus d’un demi-siècle. Le peuple florentin a perdu la foi et se trouve désormais très divisé. C’est une spirale d’essais infructueux et d’incapacité à agir politiquement qui se succèdent. Plusieurs courants s’opposent, l’acquiescement général étant impossible, la société piétine. Le tout s’achève sur une République modérée qui manque de passion et de conviction. C’est donc là, le terreau idéal pour mettre en place une dictature. L’incapacité d’agir et la démission générale conduisent tout naturellement à une servitude que la société s’est imposée à elle-même.
En 1537, le tyrannique Duc Alexandre de Médicis arrive au pouvoir. Florence se retrouve alors un peu comme au temps de l’occupation. Lorenzo de Médicis part en campagne et décide de renverser le cours des choses en assassinant son cousin Alexandre de Médicis. La cité bafouée commence à rêver de jours meilleurs, partout on murmure le doux nom de République et le noble Philippe Strozzi semble pouvoir soulever et guider les foules. Le duo Lorenzo-Philippe paraît être la combinaison gagnante. Pourtant, à la mort d’Alexandre, les républicains ne bougeront pas et un autre Duc sera nommé presque aussitôt.
Comme éléments de réponse pour expliquer cet échec historique, je citerai les faits suivants :
1) Lorenzo de Médicis a poursuivi un but solitaire. Il s’est perdu entre son besoin de rédemption et sa soif de grandeur. Ce sont là deux stigmates d’un individualisme bien contemporain.
2) Philippe Strozzi est empêtré dans un confort qui ne le pousse pas à agir. D’autre part, les échecs des dernières tentatives de République ne lui laissent pas de grandes espérances.
3) Alexandre de Médicis est un bâtard que l’on a sorti du placard pour le placer sur le duché car il descend de l’une des plus illustres figures politiques de Florence. S’il se montre cruel et tyrannique, il n’est qu’une marionnette dont la machine politique tire les ficelles dans l’ombre. Alexandre n’était pas l’homme à abattre.
La confrontation de Lorenzo de Médicis, de Philippe Strozzi et d’Alexandre de Médicis est le moteur de la pièce. Trois comédiens interpréteront ces trois personnages, chacun victime de son individualisme. Face à eux, une quatrième comédienne donnera corps au « reste du monde ». Nous créons ainsi une entité à part entière et donnons toute la mesure de la mascarade politique et sociale. Nous vivons des aberrations économiques, écologiques, politiques et sociales, chaque problème étant intimement lié à l’autre. Il semble parfois que tout changement conduise à une impasse. La complexité de ce système est désarmante. C’est à ce Tout » que se confrontent régulièrement Lorenzo et Philippe et c’est ce « Tout » qui les conduit à agir ou à esquiver le problème. Les différents personnages, interprétés par notre comédienne, répondent à des codes de jeu différents de ceux des autres comédiens Masques, mime et marionnette grandeur nature.
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