Avec les films et les chansons qu’on aime, c’est toujours le même plaisir : voir et revoir, écouter et réécouter, encore et encore. S’emparant des grands succès de la variété moyen-orientale et du cinéma égyptien, le hip-hopper Rayess Bek et la plasticienne Mirza offrent une soirée qui allie les bonheurs du passé et les joies de l’instant, les rythmes anciens et les esthétiques modernes.
L’un remixe les grands airs populaires arabes tandis que l’autre remet en mouvement des extraits de l’époque dorée des studios du Caire. Une façon pour ces deux trentenaires libanais qui ont grandi en France de faire cohabiter deux cultures, pour mieux faire parler des passions qui franchissent toutes les frontières.
Finalement, les sentiments ne changent guère, ce sont les époques qui changent, et avec elles les rythmes – rythmes des vies, des communications, des musiques et des films aussi. Offrir une nouvelle vie à des œuvres aimées pour leur donner une actualité nouvelle, garder le bébé tout en changeant la température de l’eau du bain, c’est tout l’enjeu de cette soirée Love and Revenge. Ses auteurs, Rayess Bek et La Mirza, l’ont voulue comme “une création où nous nous approprions les anciennes chansons populaires arabes afin de leur donner une seconde vie selon les schèmes et les esthétiques de la musique actuelle. À quoi ressemblerait la variété arabe, écrivent-ils, si nous, trentenaires vivant entre Orient et Occident, décidions d’introduire de nouvelles influences ?”
Ces nouvelles influences seraient le rap et l’électro pour l’un, Rayess Bek, qui de Los Angeles à Londres s’est frotté aussi bien au funk qu’à la performance contemporaine, qu’on a vu bidouiller, mixer, rapper, en français ou en arabe. Et aussi composer pour des spectacles, mêler textes et extraits de films dans Good Bye Schlöndorff, ou célébrer Mahmoud Darwich avec Rodolphe Burger… Pour l’autre, Randa Mirza, c’est le monde de la photographie et du VJing (comme un DJ mais avec de la vidéo), qui transforme les images en performance en temps réel. Pour eux deux, le Liban reste un point de départ et d’arrivée, avec “ses crises, son énergie, sa jeunesse pleine d’envie déçue par le pouvoir politique”. À ces énergies s’ajoutent désormais le oud électrisé de Mehdi Haddab et la basse et les claviers de Julien Perraudeau.
Artefact moderne et virtuel, soirée musicale à regarder, Love and Revenge est aussi un hommage aux idoles populaires et argentées d’un monde arabe qui se présentait joyeux et candide dans ses badinages, ardent et immodéré dans ses drames et ses mélodrames. On y retrouvera sous des formes inédites et hybrides les grands succès de la chanson du Moyen-Orient, comme celles de l’Irakien Kadhem Saher, de l’Égyptienne Souad Hosni, ou de la Libanaise Sabah…
Au fil des extraits remixés live par La Mirza, on croisera également quelques visages connus, issus de l’âge d’or des studios Misr du Caire. Comédies musicales inspirées par Hollywood, portées par des reines de la danse comme Samia Gamal ou Tahia Carioca, stars de la chanson comme Leila Mourad, Farid El-Atrache, sa sœur Asmahan ou la toute jeune Oum Kalthoum, mélos ou farces… Des films où, pour le plaisir de tous, on brode sans cesse sur les mêmes canevas : quiproquos amoureux, impossible rédemption de la fille perdue, drame de la femme mariée à une brute et que l’honneur condamne à un destin tragique…
Maladroits parfois, outranciers souvent, ces films possèdent cependant des vertus qui les sauvent comme miraculeusement du ridicule. Sincérité, audace, fantaisie : ce cinéma conserve une grâce jusque dans ses aventures les plus étranges, comme l’improbable valse viennoiso-cairote qui est le clou de Gharam wa Intiqam – Love and Revenge, le film de 1944 qui donne son titre à cette soirée.
Une coproduction Dynamo de Banlieues Bleues et Paris quartier d’été, en partenariat avec l’Institut du monde arabe.
63, avenue Jean Jaurès 93000 Bobigny