Elles sont cinq, détenues pour meurtre, drogue, prostitution ou vol. Elles sont jeunes et parlent d’amour, de sexe ; cinq à participer au spectacle que monte avec elles la “femme du dehors”, celle qui “mène une vie sans fenêtre” et que la spirale des passions va peu à peu mener au sacrifice.
Misterioso-119 est une pièce chorale, musicale, entrecoupée de paroles tendues, fragiles : pas de sentimentalisme, de regret, de pleurs. Simplement les faits, sans émotion. Et la solitude. « Globalement, le monde est un lieu clos. Je le sais dans ma chair et dans mon esprit, tout simplement parce que je suis Noir. Les moyens de communication ne relient pas le monde ; ils donnent l’illusion d’être ensemble mais, en fait, chacun est seul, lié à quelqu’un qui est tout aussi seul. Voilà ce que j’appelle la nouvelle liturgie du monde. » Par son écriture charnelle, Koffi Kwahulé nous invite à aller vers une forme ouverte, une sorte d’improvisation de la vie en phase avec la liberté que propose le jazz, et à faire l’expérience d’un nouveau partage du monde.
Le texte est publié aux Editions Théâtrales.
« Un des plus beaux, un des plus poignants spectacles que j'ai vu de ma vie. » Bruno Fougnies, Reg'arts
« Ecrite par Koffi Kwahulé, brillamment mise en scène par Laurence Renn Penel et en musique par Frédéric Gastard, Misterioso-119 déborde d'appels au secours et à l'amour (...). Ç'aurait pu être étouffant : c'est noir, rageur, puissant. » Le Canard enchaîné
« La metteure en scène Laurence Renn Penel orchestre la violence qui règne dans Misterioso-119 avec une main de fer dans un gant de velours. C’est à son regard que nous devons l’illumination finale, elle est subversive comme toutes les émotions. » Evelyne Trân, LeMonde.fr
« N’importe qui peut atterrir en prison, mais surtout les personnes défavorisées, comme si les rôles étaient déjà distribués ; les transgressions des femmes révèlent d’effrayantes fragilités et dangerosités pour elles-mêmes ».
« J’entendais mon nom prononcé comme s’il était devenu un autre. Peut-être parce qu’il était amputé de son prénom. En plus de l’enfermement, du manque à vivre, du manque à être et à aimer, il y aurait cette relation permanente de frottement et d’affrontement avec la gardienne. Elle aurait cent visages et reviendrait comme cent cauchemars hacher les heures de la journée. »
« Une cellule n’est jamais un espace à soi. On doit y être visible de jour comme de nuit. On se sent harcelée jusque dans le sommeil. On est dépossédée de toute intimité. »
Tragédie musicale, Misterioso 119 est une histoire d’amour. D’amour extrême, qui aboutit à la mort. Au-delà de toute morale, le meurtre et le partage du corps permettent la rédemption et le prolongement de cet amour : « Je veux garder le coeur vivant dans ma chambre ». Le spectacle commence dans les douches de la prison. Nous assistons à un rituel collectif. Des silhouettes, derrière un rideau d’eau, effacent les traces d’un meurtre. Nous sommes entraînés dans un monde cruel, aux présences charnelles, violentes et sensuelles. Soudain, on ne danse plus, on ne chante plus ; une femme prend la parole.La langue vibre, accroche, résonne : la vie se dit en récits syncopés qu’entrecoupent rites, chants et danses.
Univers cru, où l’âme vibre malgré l’isolement et la souffrance. État d’urgence, no future, no limit. Koffi Kwahulé ne nomme pas ses personnages : il cerne ainsi avec grande acuité la perte d’identité de ces femmes.
Misterioso 119 se déploie comme un récitatif aux accents violents et intimes que ponctue une musique lancinante, presque obsessionnelle, en écho au célèbre morceau de Thelonious Monk.
Laurence Renn-Penel
Le jazz est une affaire de corps, mais une affaire de corps absents. C’est la raison pour laquelle l’événement du 11 septembre, momentum du corps vaporisé, est au coeur d’une pièce comme Misterioso-119.
Comment reconstruire le corps éparpillé ? D’une certaine manière, l’enjeu du jazz c’est cela : reconstruire le corps violenté. Mais reconstruire le corps implique un acte nécessairement violent. Et mon écriture se veut une réflexion sur la violence faite au corps à travers l’expérience du corps noir «construit» dans le viol de la traite et de la colonisation. Le corps noir, dans l’écartèlement symbolique du commerce triangulaire, est le premier espace mondialisé. Un corps prémoderne. La dispersion ontologique du corps noir annonce la fragmentation du corps de l’homme contemporain. Et je crois que, fondamentalement, c’est cela qu’essaie de reconstruire le jazz, à l’origine. Reconstruire ce corps. Et cette reconstruction, je me répète à dessein, est un processus nécessairement violent.
Cette violence va, dans un élan christique, jusqu’à la destruction même du corps de celui qui tente cette reconstuction ; dès lors, la dispersion du corps du musicien de jazz apparaît comme l’offrande nécessaire. La folie de Monk, la maladie de Coltrane, la drogue de Parker nous le disent. Toute cette génération qui a inventé l’essentiel du jazz, ce creuset de l’histoire du jazz, a disparu prématurément. Faire du jazz n’est donc pas un acte innocent, et la première violence c’est à soi-même qu’on l’inflige. Exhumer l’Absent pour lui insuffler la vie. C’est-à-dire jouer à donner un visage à l’Absent. Jouer. Chercher le visage avec l’espoir secret de ne jamais le retrouver. Jouer. Le jazz est cette démarche-là. Jouer. La tension ne débouche jamais sur une explosion. La tension seule suffit. Car l’explosion n’est qu’une réponse de plus. Une fermeture.
La violence de mes pièces a à voir avec cela. Parce que c’est essentiellement une question de corps, de corps seuls, pratiquement sans rien autour, de corps coincés dans des espaces fermés, souvent étroits. Comme dans Blue-S-cat, comme dans Misterioso-119, comme dans Big Shoot, comme dans Jaz. L’immobilité est la première violence faite au corps. On aura par conséquent besoin, comme dans le feu d’une forge, de la même intensité de violence non pas pour reconstruire le corps, mais pour l’humaniser.
Koffi Kwahulé, Gilles Mouëllic Frères de son, (entretiens), Éditions Théâtrales.
Qu’est-ce que la privation de liberté, qui va jusqu’à marquer le corps de ceux qui la subissent ? Que devient le rapport au temps de celui qui est « arrêté » et ne peut se mouvoir que dans un espace restreint ? Peut-il envisager l’avenir s’il ne peut voir l’horizon ?
La présence à soi-même, c’est la liberté de s’absenter : le sommeil, mais aussi la possibilité de cesser de s’absenter : le réveil. En prison, cinq types de demandes sont repérables autour de la polarité présence / absence :
1) l’insomnie, ou l’impossibilité de s’absenter ;
2) le flou du vertige ou de l’obnubilation : difficulté à se maintenir dans le présent, à se sentir éveillé ;
3) l’usage des drogues qui conjugue présence invasive du produit et absence à ce qui n’est pas lié à lui ;
4) la douleur, présence obsédante de l’être souffrant, excluant toute autre présence ;
5) la baisse de l’acuité visuelle, alors que l’audition est un sens qui s’affine.
La perte de mémoire est liée au vide de la parole dans le bavardage, qui est devenu un bruit. Seul avec sa peine, seul au milieu de la foule carcérale, seul avec ses mots, le captif subit une sorte d’atomisation de son existence. La parole est vidée, tourne en boucle, réduite à sa plus simple expression, atomisée. Lorsqu’elle ne peut plus être adressée, il arrive alors qu’elle ne trouve plus que la peau pour s’écrire.
Interface entre le dedans et le dehors, la peau reçoit et porte en elle l’histoire de notre aventure avec le monde extérieur : quand celui-ci est devenu inaccessible pour un temps, c’est la peau qui devient le vélin où s’écrit cette déchirure.
Anne Lécu, La Prison, un lieu de soin ? Les Belles Lettres.
Tout est brute dur remuant et poignant Les Images vous hantés grâce aux jeux de lumières et aux déplacements dans un décor monumental et personnifié dans un jeu de filles Subtile
Pour 1 Notes
Tout est brute dur remuant et poignant Les Images vous hantés grâce aux jeux de lumières et aux déplacements dans un décor monumental et personnifié dans un jeu de filles Subtile
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.