Chez Feydeau, et dans cette pièce particulièrement, la mécanique de précision se double d’une profonde humanité. Les personnages ne sont pas des pantins virevoltants, mais demandent à être incarnés et obéissent à une logique comportementale qui s’élabore tout au long de la pièce. Ils sont des funambules en équilibre entre leurs pulsions et leur volonté de confort.
Entre individualisme et conformisme, cette lutte constante du désir et de la raison s’exerce dans ce que l’humain a de plus intime, l’amour et la sexualité, et confère à l’œuvre une dimension vertigineuse. En deçà de l’humour et de la cruauté, les pièces de Feydeau parlent d’amour. Avec légèreté et cynisme, certes, la question de l’état amoureux, de la culpabilité qu’il engendre et de la folie qu’il génère, est au centre de l’œuvre et nous la rend intemporelle.
C’est bien à une partie de chasse, dans tous les sens du terme, que nous convie Feydeau dans ce vaudeville décapant, qui avec peu de personnages crée un maximum de situations burlesques ou franchement désopilantes.
Au départ, une intrigue classique qui évolue en véritable imbroglio : profitant du départ de son ami Duchotel pour une partie de chasse, Moricet courtise sa femme Léontine. Celle-ci commence par se refuser, sauf si elle découvrait être elle-même trompée, ce qui ne manque pas d’arriver. En effet, Cassagne lui apprend que le mari, prétextant la chasse, a rejoint sa maîtresse au 40 rue d’Athènes. Adresse fatidique où se retrouvent finalement Moricet, Léontine, Cassagne, et son épouse, qui n’est autre que la maîtresse de Duchotel.
La mécanique vaudevillesque est ici parfaitement huilée. Mais au-delà de son architecture efficace, cette comédie en trois actes présente des personnages à la psychologie complexe et tourmentée, dont la profondeur excède les clichés du genre.
« Cela commence piano avant d’atteindre un crescendo qui laisse nos personnages éberlués, abrutis de tant d’énergie déployée pour un mensonge initial. L’attention que porte le metteur en scène aux personnages donne à chacun une trouble épaisseur qui leur apporte un poids d’humanité suffisant pour ne pas sombrer dans la caricature. (…) Monsieur Chasse ! dépasse le simple vaudeville parfaitement huilé pour tendre vers une comédie de mœurs acide dont Robert Sandoz tire habilement les fils. » Un Fauteuil pour l’orchestre
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt