" Je lui ai demandé si elle aimait Jean-Sol Partre et m'a dit qu'elle faisiat collection de ses oeuvres... Alors j'ai dit : moi aussi... ; et chaque fois que je lui disais quelque chose, elle répondait : moi aussi..., et vice versa ... Alors à la fin, juste pour faire une expérience existentialiste, je lui ai dit : je vous aime beaucoup, et elle a dit : Oh ! "
Un spectacle à cuisiner dans l'urgence et sans modération. Une valse dingue en forme de quatuor sans cadre " faut que ça saigne " , que ça rit, que ça grince, que ça dérisionne...
Je suis né par hasard, le 10 mars 1920 à la porte d’une Maternité, fermée pour cause de grève sur le tas. (…). Par bonheur, une louve affamée, (…) me prit sous son élytre et me donna à boire. Je grandis en force et en sagesse, mais je restais toujours aussi laid quoique orné d’un système pileux discontinu, mais toujours très développé.En fait, j’avais la tête de la Victoire de Samothrace.
A sept ans, j’entrai à l’Ecole Centrale, et j’en ressortis trois ans plus tard, en 1942, (…) Je ne prévoyais pas, à ce moment-là, que douze ans après, en 1946...Mais n’anticipons pas.
En 1938, j’abordai l’étude de la trompinette bonbon, et je commencai à jouer Armstrong, mais j’abandonnai vite, afin de ne pas le priver de son gagne-pain : en raison des préjugés raciaux, j’étais trop nettement avantagé par un teint vert d’un effet gracieux.
En 1941, (…) le fameux Claude Abadie, joueur de clarinette, me prit sous son abatis, et, grâce à notre féconde collaboration, l’orchestre Claude Abadie remporta, en 1945, en dépit de la présence, dans ses rangs, de l’indésirable Claude Léon, fumeur d’opium sans vergogne et assassin à ses moments perdus, (il prétend être, en réalité, un justicier) divers championnats internationaux. Tout d’un coup, ma physionomie se transforma, et je me mis à ressembler à Boris Vian, d’où mon nom.
(…) Je cherche un appartement de cinq pièces, tout confort. J’ai eu une vie mouvementée, mais je suis prêt à recommencer.
Faire entendre la joie brutale, le rêve d’opérette, le carnage des hommes, le prix de la vie, le temps qui se décline sur tous les tons, les fantaisies des rues pleines d’ombres curieuses, l’ivresse amoureuse dont on s’empare, dont on se lasse, l’engloutissement absurde de la mort que l’on cherche, qui nous trouve, les changements de sexe pour le plaisir, la détresse de l’homme sans regret, le profond et si fol amour de la vie et des autres qu’on ne connaît pas encore.
Un pianiste qui joue comme il respire, un contrebassiste présent comme un arbre sûr. Deux joyeux lurons discrets aux branches grimpantes, à la musicalité fidèle et puissante.
Et deux interprètes, deux corps : une jeune femme, un homme. Des variations de couleurs, d’émotions, de suggestions de fantasmes fantasques à travers deux voix très différentes qui s’écoutent, s’accompagnent, s’unissent ou s’éclipsent l’une pour l’autre.
Deux êtres qui dialoguent, brièvement parfois comme pour se rassurer quand il n’y a plus de musique qui les habille, ou qui cavalent comme deux fous surpris à l’air libre. Ils se promènent dans les mots de Boris Vian et tissent la fine membrane d’un être dans le tiraillement du verbe : un poète, un ouvrier du désir d’inventer jusqu’à manquer d’air, inventer des histoires, des quantités de vies
à vivre à plusieurs, en même temps, sans jamais oublier l’issue si proche et terriblement bête.
Alors ce quatuor, il nous tient éveillé dans ce désir d’imaginer, de réagir, de bouillir, de vibrer, de danser, de chanter, oui, il laisse couler des émotions brutalement, avec élégance, et un joyeux talent..
Il nous rappelle qu'à chaque instant, à chaque minute, on peut être terrassé par le désir de vivre.
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