Contrairement au style allemand, la musique russe se satisfait de l’enchaînement de tableaux. On pourrait même dire que c’est dans cet enchaînement d’éléments fortement contrastés que réside sa force, son relief, sa saveur. Les Danses polovtsiennes répondent à cette logique, juxtaposant la Danse des jeunes filles, la Danse des hommes, la Danse collective et la Danse des garçons. Âpres et sauvages, ces pages ont scellé, en 1879, ce qui a fondé l’identité russe aux yeux de l’Occident : la virtuosité, la brillance et l’intensité des timbres.
Pour sa part, le Concerto pour violon ne fait rien d’autre qu’enchaîner des « états affectifs » très différents, comme le fait Tchaïkovski dans toutes ses oeuvres.
Enfin, les Tableaux d’une Exposition de Moussorgski prolongent cette démarche jusqu’à l’extrême : le compositeur prend appui sur une exposition bien réelle ( celle des oeuvres du peintre Victor Hartmann en 1873 ) pour « peindre musicalement » une série de scènes aux caractères éminemment contrastés ( Gnomus, Vecchio Castello, Tuileries, Bydlo, Ballet des poussins dans leur coque… ).
Le résultat en est proprement saisissant : aucune oeuvre n’a réussi, avec autant de brio, à rendre avec force ce que l’oeil aurait pu voir. Plus encore : la force suggestive de ces pages musicales dépasse largement les simples peintures d’origine, conférantà la musique un pouvoir quasi magique et hypnotique.
Alexandre Borodine :
Le Prince Igor – Danses polovtsiennes
Piotr IlyitchTchaïkovski :
Concerto pour violon en ré majeur op. 35
Modest Moussorgski :
Tableaux d’une Exposition (orchestration Ravel)
252 rue du faubourg Saint-Honoré 75008 Paris