« Inconsolable. C’est le mot le plus triste du monde, j’en parle d’expérience. »
D’après deux nouvelles de Raymond Carver, Intimité et Le Bout des doigts.
Dans Intimité, un homme débarque à l’improviste chez son ex-épouse qu’il a quittée quatre ans auparavant et entreprend maladroitement de renouer avec elle un improbable dialogue, tandis que celle-ci l’accable de reproches, comme si la rupture datait de la veille. Il finit par repartir sans que rien de décisif ne soit advenu.
Dans Le Bout des doigts, c’est la femme qui prend l’initiative de rompre après plus de vingt ans de vie commune en écrivant une lettre à son mari. Mais celui-ci, déconcerté par l’écriture qu’il ne reconnaît pas, en conteste la sincérité. La femme refuse de s’expliquer davantage, arguant que tout est dit dans la lettre, et part sans se retourner.
Au-delà de la rupture conjugale, c’est l’inguérissable déchirure amoureuse qui est au coeur de ces deux scènes dans lesquelles les personnages sont saisis en gros plan, au plus près de leur présent sinistré, à la surface de leur conscience blessée, là où le sens se dérobe et s’enlise dans l’indicible. Leur apparente soumission à une fatalité qui les dépasse masque mal, au fond, leur quête fébrile d’un hypothétique salut, c’est-à-dire d’un miracle qui ferait advenir une réalité dans laquelle ils cesseraient de se sentir étrangers (à l’autre et surtout à eux-mêmes).
10, place Charles Dullin 75018 Paris