Un regard cynique sur la vie
La presse
Chanteur, amuseur, de l'entre-deux rives, extra et ordinaire à la fois, farouchement à part en tout cas, Parisot étonne et détonne sans jamais en faire des tonnes.
Comme à l’accoutumée, il promène un regard singulier sur les gens et les choses (et aussi les extraterrestres et les lapins nains), avec une acuité d’observation et une appréhension des espaces et des volumes que n’aurait pas reniées Jacques Tati. Ce sens aigu du détail, cette vision en coupe et sans prétention de la nature humaine et des épiphénomènes du quotidien, on le retrouve dans le choix maniaque des équilibres instrumentaux, du tombé parfait de chaque percussion, des constructions toujours trompeuses de ces chansons aux dehors simples, mais fourmillantes en dedans.
Une nouvelle fois, Pascal est allé à la pêche miraculeuse des rythmes venus d’ailleurs, ramenant dans ses filets quelques jolis spécimens de ces swings exotiques qui s’accommodent à merveille à la tonalité badine et ourlée de son chant. Par moment, Wonderful rappelle ce monument de coolitude que fut, à la fin des années 50, le Calypso is like so… de l’impeccable Robert Mitchum. A d’autres endroits, on pensera à un Jobim un peu jobard, à un Brassens sans dessus dessous (et sans moustache), toujours un peu beaucoup à Gainsbourg, évidemment.
Parmi les douze titres de ce disque éventail, on remarquera l’adaptation culottée de Quizas, quizas, quizas (Que je sache) ou le cadavre exquis des Gondoles à Denise, l’un des moments forts des concerts de Parisot depuis quatre ans, et qui fait pour la première fois son apparition sur disque. De la fausse candeur ironique de Tout va bien ou Les gens sont méchants jusqu’à la légèreté voulue, façon La croisière s’amuse, de Sombre héros, Pascal Parisot plane loin des névroses bourgeoises de la chanson Rive Gauche comme du néo-réalisme racoleur de la Rive Droite.
" Légères et joueuses, décontractées et décalées, parfumées d’une touche d’humour acide et de galipettes verbales, [ses chansons] diffusent dans l’atmosphère une douceur de vivre et un regard amusé sur le quotidien. Nées dans le même berceau artisanal que celles de Rumba (son précédent album), les treize chansons de Wonderful aiment toujours autant lézarder à l’ombre de la bossa-nova, s’amuser avec de vieux sons synthétiques, épurer l’espace, rechercher l’équilibre entre des influences pop, un swing exotique et un héritage plus français (Gainsbourg le jeune, Boris Vian, Nino Ferrer).
Les paroles toujours aussi acérées et cyniques ont pris de l’épaisseur et élargi leur champ d’investigation dans l’art de la rime et des textes à tiroirs. Le vrai changement chez Pascal Parisot est ailleurs : dans le son. Ce minimalisme qui relevait du bricolage obligé sur son premier album fait maison est ici érigé en principe esthétique, cultivé comme une marque de fabrique. "
Marc Besse, Les Inrockuptibles, 22 oct. 2003
116, quai de Jemmapes 75010 Paris