C’est l’histoire de deux mémoires et leur dialogue, celle du marin John de Nantucket et celle de son capitaine Charles Melville Scammon. Ce texte traduit l’émotion profonde qu’éprouvèrent les deux protagonistes, quand le 10 janvier 1858 ils découvrirent la lagune de la baie de Californie où viennent se reproduire les baleines grises.
En fil rouge, la question primordiale que pose l’œuvre : « Comment pouvons-nous tuer ceux que nous aimons ? »
Un homme, John de Nantucket, raconte ses souvenirs d’un monde avant le monde. La mer, quand il n’y avait personne d’autre que les oiseaux et la lumière du soleil, l’horizon sans fin, le Léonor et le capitaine.
Une autre mémoire lui répond, celle du capitaine, Charles Melville Scammon, celui qui a engagé le jeune marin sur le Léonor, et qui a trouvé le passage secret qui mène à la lagune où se reproduisent les baleines grises.
De ce dialogue superposé va se dessiner l’histoire du Léonor, du rêve que les hommes de la mer se transmettaient depuis toujours, de cette lagune imaginaire et vierge…
Ce qui m’a toujours fasciné dans l’œuvre de Jean-Marie Gustave Le Clezio, c’est ce retour perpétuel vers l’enfance ou l’aube de l’adolescence. C’est cet appel constant vers tous les « commencements », vers des temps avant le « temps, où tout est suspendu dans une luminosité teintée de gravité et de peurs obscures. Comme la prescience d’une perte imminente, celle du paradis de l’innocence. »
Pawana, c’est tout cela pour moi. Un fait réel, d’une cruauté inouïe, nous est raconté. Celui de l’extermination des baleines grises dans le golfe du Mexique, à travers le voyage de deux mémoires : celle du jeune John de Nantucket et celle du capitaine Charles Melville Scammon. Nous nous plongeons dans l’horreur de la violence, de la destruction d’une « nature originelle », d’une harmonie.
C’est cette violence aveugle et noire qui brise la vie de la jeune indienne. L’amour lumineux de John, violence présente dans le mousse, autour de nous, en vous, qui transpire dans le récit, et nous traverse, comme un mystère, « car le ciel est vide ».
La blessure aussi nous est racontée, flamme vacillante, nostalgie du « temps avant le temps », quand « la Terre était comme à son origine », quête perpétuelle de l’harmonie, seul salut pour ceux qui n’ont pas tué « l’enfant en eux ».
Dora Petrova
1, avenue Gabriel 75008 Paris