Elle avance, les yeux cerclés de noir. Elle porte une longue traîne de plastique translucide, matériau brut ou rebus, long voile d’une mariée déchue. C’est peut-être un costume de carnaval, jouet d’enfant ramassé dans les poubelles. Elle annonce que les mots vont jaillir, spontanés, dans l’urgence de la performance. Comédienne et autrice, Marie Payen a rencontré des déclassés, des exilés, sur le trottoir, dans des camps de fortune. Elle a intégré leurs mots, leurs voix. Elle n’a pas écrit, elle vient faire entendre les paroles qui lui reviennent, la hantent. Voix de femmes du boulevard de la Chapelle, cris de gamins fuyant la guerre, de gens rejetés ici en Europe. Son corps entier, voix et visage, irradie de la présence des ignorés d’aujourd’hui.
Actrice de théâtre ou de cinéma, Marie Payen a travaillé avec Sólveig Anspach ou François Dupeyron, avec Jean-François Peyret, Pierre Maillet ou récemment Frédéric Fisbach. On l’a vue au Rond-Point dans La Cuisine d’Elvis ou Le Fait d’habiter Bagnolet. Elle a créé jEbRûLE, pièce improvisée autour de la figure du père. Même principe, les mots incandescents surgissaient dans un acte immédiat, unique. Dans Perdre le nord, geste expérientiel et embrasé, elle répond aux sons organiques, musiques et bruits du compositeur qui l’accompagne sur scène. Avec humour, distance et ruptures, ce dialogue éphémère, chaque soir différent, marque un engagement sans précédent d’une artiste face aux désastres du monde. Elle en fait un poème ardent.
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