Phèdre

Pièce faisant partie du programme La Confusion des sens – 11 pièces en alternance.

Dernière tragédie profane, Phèdre est sans conteste l'oeuvre la plus connue, la plus célébrée et la plus commentée de son auteur. La pièce eut pourtant du mal à s'imposer : les ennemis de Racine, emmenée par la Duchesse de Bouillon, lui opposèrent dès sa création la Phèdre de Pradon, et déclenchèrent une guerre d'épigrammes très virulente, qui mit plusieurs mois à s'apaiser. Phèdre, amoureuse de son beau-fils Hippolyte est pour tous l'image de la passion fatale, dévorante, "C'est Vénus tout entière à sa proie attachée". Phèdre se distingue des autres héroïnes de Racine par sa dimension morale, le jugement aussi impitoyable que vain qu'elle porte sur son fol amour. Souffrant de ne pas être aimée, Phèdre souffre aussi et peut-être plus encore d'éprouver cette passion qu'elle réprouve. Toute imprégnée par la légende grecque, ses dieux jaloux et ses personnages fabuleux, la pièce exprime tout autant que la fatalité antique la problématique de la liberté et la quête du salut. D'où l'interprétation janséniste si souvent proposée et ce mot de Voltaire : Phèdre est un juste auquel la grâce a manqué. Le personnage central n'est d'ailleurs pas le seul à se sentir coupable. Face à la Loi incarnée par Thésée, Hipolyte ressent lui aussi la culpabilité du désir. Dans sa préface Racine insistait sur la fonction morale de sa tragédie, qui ne pouvait inspirer que l'horreur du vice. L'austère directeur de Port-Royal, Arnauld, ne trouva lui-même rien à y redire.