Présentation
Notes d'intention
Notes dramaturgiques
Tout commence quand un homme finit par avouer péniblement à son meilleur ami qu'il n'a aucune idée de ce qu'est un carburateur ; et quand cet ami finit par avouer honteusement la même chose. Soudainement emportés par le désir de trouver un sujet de conversation qu'ils maîtrisent, autant pour se rassurer que pour épater l'autre, ils ne vont plus pouvoir s'arrêter.
Comment fait-on les crêpes ? Quelles sont les paroles exactes du refrain d'une Chanson Populaire de Claude François ? Comment aller Porte de Montreuil depuis la place de la République ? Qu'est-ce que la théorie de la relativité ? Combien rapporte un Codévi ? Qu'est-ce que c'est exactement un fantasme ? Pourquoi les chaussettes se dépareillent-elles ? La taille du pénis a-t-elle vraiment une importance ? Comment bien faire l'accent québécois ? Y a-t-il une année du dindon dans l'astrologie chinoise ? Quelle est la véritable signification de "Je pense donc je suis ?"
Très agacés par leur propre ignorance, les deux hommes veulent, sur chaque sujet, donner le change, prouver à l'autre qu'il est le plus nul, enchaînant imprécisions et sophismes jusqu'à l'absurde, dans un tourbillon hystérique.
"La connaissance est par essence une relation avec ce qu'on égale et englobe, parce que c'est à ma mesure et à mon échelle. Il y a dans la connaissance une impossibilité de sortir de soi. La socialité sera une façon de sortir de l'être autrement que par la connaissance" Emmanuel Lévinas.
De quoi est faite la vie de quelqu'un ? Quels sont les problèmes que nous rencontrons le plus souvent ? A côtés des grandes questions existentielles que posent la naissance, l'amour, le désir et la mort, quelles sont les questions du jour le jour ?
S'il fallait faire un décompte, de ces questions "toutes bêtes" qui se posent, qui accaparent nos esprits, auxquelles les réponses ne sont jamais tout à fait précises, ni tout à fait claires, ni nettes. Nous vivons dans un monde de merveilles technologiques. L'Homme marche sur la Lune, surfe sur le Net, dépasse le mur du son en supersonique, téléphone sans fil. Combien de nouveautés encore dans les prochaines années ? La somme des informations s'accumule et nous dépasse.
Tout ça ne marche pas, ou peut-être ne savons-nous pas le faire marcher, ou peut-être ne voulons-nous pas savoir le faire marcher, par paresse, par négligence, par manque de temps ou par manque de désir. L'imprécision comme une résistance, rester à la surface, en dehors, pour ne pas voir ce qui se passe, pour ne pas être complices, pour protester silencieusement contre notre dépassement et l'angoisse qu'il génère.
Quoi qu'il en soit, l'angoisse nous intéresse. Elle est le souci de ce dont nous n'avons pas voulu nous soucier. C'est une angoisse que nous n'osons pas vraiment partager. La plupart du temps, nous gardons pour nous toutes ces questions toutes bêtes, comme les traces de la fréquentation quotidienne de notre propre esprit d'imperfection. Tant de vétilles, tant de broutilles, finalement devenues inavouables, et à la longue formant un tissu de solitude.
Dans "Porte de Montreuil" A et B tentent d'affronter ce qu'ils fuient, n'attendant plus, n'espérant plus que Godot vienne les sortir de là. Vaillamment en marche vers le chaos.
Porte de Montreuil ne parle de rien. Ou alors du vide, du manque, de ce qui fait défaut. Le décor de "Porte de Montreuil" est vide : Deux chaises sur lesquelles sont assis A et B pendant toute leur conversation. À leurs pieds, un petit tapis, comme un rappel inconscient du tapis de la salle de bain du texte. Une lampe. C'est tout. Car l'espace où se parlent A et B doit rester abstrait, aussi imprécis, vague et flou qu'A et B eux-mêmes. C'est intime et c'est vide.
L'éclairage est toujours le même. On ne doit pas pouvoir classer A et B. Rien de leur vie ne doit transparaître sinon leur célibat. Ni prolétaire, ni grand bourgeois, ni intellectuel, ni manuel, ni artiste, ni technocrate, on ne doit rien savoir. Donc une tenue hybride : une cravate pour le maintien, mais pas de costume coordonné. Des légères fautes de goûts mais qui pourraient presque passer pour du goût si elles étaient un peu différentes.
Peu d'effet de musique. Au début du spectacle, on entend une musique qui semble se tromper, s'arrête et redémarre sans trop savoir ce qu'elle fait : c'est la très belle intro de " dancin' in an easy groove " de Lonnie Smith. Le spectacle finit sur l'ultra classique et néanmoins mélancolique " Sambalero " de Luiz Bonfa.
Même économie dans les mouvements des acteurs qui restent assis sur leurs chaises pendant presque tout le spectacle. Avec comme ligne : ne se lever que quand on ne peut vraiment pas faire autrement.
2, passage du Bureau 75011 Paris