L’histoire
Le fruit d'une rencontre
Intentions de mise en scène
Un exil, un voyage, un monde dans une boîte
Lumpe est une marchande de sons qui parcourt les routes à la recherche d’une âme à qui causer. Comme venue de nulle part, elle erre dans un désert et se parle à elle-même. Elle transporte son univers, des instruments à bruits, dans son bidon.
Soudain, tel un mirage, Echo apparaît et une relation particulière se noue entre nos deux personnages :
Lumpe : Sacré silence ?
Echo : Sacré silence !
Lumpe : Beau temps ?
Echo : Beau temps !
Lumpe : Belle journée ?
Echo : Belle journée !
Lumpe : Je me présente…
Echo : Je me présente…
Lumpe, gênée : Après vous !
Echo, gênée : Après vous !
Lumpe : Je vous en prie !
Echo : Je vous en prie !
Lumpe fait une révérence.
Lumpe : Lumpe, marchande de sons !
Par la compagnie Pitchipoï.
« Passionnée depuis toujours par le théâtre sous toutes ses formes, je me suis engagée avec grand enthousiasme dans la représentation d'un spectacle jeune public, suite à l'heureuse rencontre, à travers l'université, d'Anne-Lyse Boussy. Son projet de mettre en scène la pièce Sacré Silence s'inscrit dans une dynamique ludique qui m'a d'emblée convenu et qui constitue une expérience très enrichissante.
Jouer est à la base du jeu théâtral. C'est, en effet, un plaisir de pouvoir tout d'abord jouer avec les mots grâce à la richesse du texte de Philippe Dorin et de pouvoir ensuite jouer avec les enfants, petits spectateurs en quête de divertissement. Mais la pièce Sacré Silence se prête encore à bien d'autres jeux que nous avons tenté d'exploiter sous forme de recherche collective, autant du point de vue de l'expression corporelle que vocale.
L'échange qui se crée entre les deux personnages de la pièce est subtil. Alors que la marchande traverse un désert de silence qu'elle remplit de ses sons, " son " écho retentit et la renvoie à sa propre réalité. Sans aucune mauvaise intention, mais avec une simplicité enfantine et une certaine espièglerie, le personnage d'Echo s'amuse de ce nouveau compagnon de passage. Lumpe s'apercevra bientôt que " son " Echo ne lui appartient pas. D'apparence identique, le langage de nos deux personnages est pourtant différent et instaure une communication des plus complexes. Entre malentendus et faux dialogues s'installe en filigrane une certaine ironie du langage. Dans un univers chargé de mots et de bruits, quelle place donner au silence ?
" Sacré Silence " ou l'histoire d'une rencontre. Rencontre amicale ou menace d'équilibre dans un monde fragile, celui de la communication ? Rencontre véritable ou reflet d'une solitude, que même le bruit ne comble pas ? Libre à chacun de se laisser porter par la musicalité de la pièce, le rythme des mots et des gestes pour en décider... »
Caroline Brunner
La mise en scène reste dans l’esprit du partage et de la communication. Il ne s’agit pas d’une direction d’acteur formelle et académique. Le monde de l’enfant est un univers mouvant et flexible ; notre travail prend donc cette direction.
Avant d’aboutir à une mise en scène fixe, le travail s’articule sur trois pôles : l’improvisation, le corps, la voix. Les comédiennes travaillent sur la découverte et la rencontre. Il s’agit de mettre en avant le regard, la sensation. Puis vient l’utilisation du mot qui doit se faire aussi comme une découverte de chaque syllabe, de chaque son. La comédienne qui interprète Lumpe, la marchande de sons, doit donner une véritable sonorité aux mots et aider Echo à trouver la clarté et la lisibilité de son propre langage.
Le spectacle raconte la rencontre de deux personnages qui vont s’éduquer à travers les sons et la parole. Le corps est donc très présent : Lumpe est un personnage imposant, de forte personnalité, qui a le sens du commerce, solitaire mais en quête de nouvelles rencontres. En réalité, elle souffre du silence qui l'entoure.
Echo est un personnage d’apparence plus discrète mais malicieuse ; elle sait être patiente et aime le jeu. La rencontre de ces deux caractères doit équilibrer la balance des comportements trop expansifs et trop introvertis.
Les comédiennes travaillent sur le contact physique par le biais de l’improvisation. Elle structurent un perpétuel jeu de cache-cache où tout doit être léger, suspendu, subtil. L’équilibre tient dans cette fragilité de la rencontre de deux êtres très différents mais très intrigués. La curiosité se manifestera aussi par un travail d’accessoire.
La scène n’est pas encombrée par un décor fixe ; elle doit être libre pour permettre aux comédiennes de circuler en toute liberté. De toute façon, il s’agit d’un désert, vacuité sonore, vacuité spatiale, que la magie du théâtre va emplir de sons et de gestes racontant une aventure simple et touchante.
Les comédiennes travaillent donc à partir d’accessoires, souvent détournés de leurs fonctions initiales. Le chariot de la marchande de sons, devient, pour servir les actions et le jeu, roulotte, stand, lit, cachette, banc, etc. Les instruments produisant des sons sont de fabrication artisanale : morceaux de bois pour des percussions, couvercle, boîtes de conserves, boulons et cailloux.
La rencontre de ces deux figures suscite des émotions de surprise et de joie puis des tensions se créent. Le rapport à l’autre se complique. La communication est souvent difficile ; les personnages se répondent de manière étrange car ils ne se comprennent pas. Ils ne semblent pas vivre dans le même espace temps. Leurs voix se chevauchent, s’affrontent, se distancient. Chacun guette la réaction de l’autre. L’espièglerie d’Echo agace Lumpe qui cherche à se faire entendre par tous les moyens. Les instruments se mêlent alors aux mots créant un échange sonore symbolique ; ils acquièrent différentes fonctions. Objets de travail, stands de commerce, ils deviennent un refuge, une cachette, un moyen de transport. Ils caractérisent chacun des deux personnages.
Les comédiennes manipulent ces objets familiers pour donner de la poésie à la mise en scène de la pièce de Philippe Dorin. Le travail de sons vocaux et instrumentaux est accompagné d’une gestuelle burlesque, d’un travail de corps et de main à main. La parole intègre plusieurs formes de langage : enfantin ou adulte, imagé ou réaliste, en langue étrangère, sérieux ou comique. Le rythme est rapide, ponctué par quelques moments de respiration. La suspension donne un souffle d’air et de magie tandis que les onomatopées, les assonances, les allitérations dynamisent et musicalisent la langue. Une comptine vient embellir avec simplicité la complicité tissée entre Lumpe, Echo et le jeune public. Pour parfaire à cette relation, un musicien accompagne nos deux héroïnes avec sa guitare ou son accordéon. Il ponctue leur dialogue et crée une atmosphère à suspense et rebondissements. Il sait aussi bercer ou enjouer la salle.
Cette pièce de Dorin est intéressante tant du point de vue de l’interprétation que de la mise en scène. A la première lecture, il est difficile de repérer deux entités différentes. Le personnage d’Echo est mystérieux et difficile à cerner au premier abord. Le jeu dramatique permet de voir comment l’écriture dramatique fait vivre des personnages singuliers et riches d'expériences. L’auteur écrit des œuvres poétiques, métaphoriques qui prennent une forme concrète et ludique à la représentation. Les adultes et les enfants trouvent donc un intérêt commun en allant voir cette pièce de Philippe Dorin.
Le parti pris de cette mise en scène est donc la mise en valeur de la rencontre. Située à la frontière entre réalité et fiction, elle laisse le spectateur en proie à son dialogue intérieur. Face aux nombreuses questions existentielles, le silence peut-il se faire entendre ?
31/33 rue des Orteaux 75020 Paris