Sombre printemps

J’essaie d’écrire un nouveau texte : le vécu érotique d’une petite fille à travers ma propre enfance. C’est en ces termes qu’Unica Zürn, née à Berlin en 1916, décrit ce que sera Sombre Printemps.

Une femme parcourt son passé, croise son père - une ombre trop souvent-, évite la porte de son frère haï, cherche à percer le secret de sa mère, figure lointaine et repoussante. Elle s’exile dans son monde imaginaire, convoquant héros, tyrans, victimes, dans un décor exotique, celui de sa maison, celui de ses "noces d’enfant", s’isolant pour fouiller avec avidité et curiosité le mystère de l’amour et du plaisir.

Lorsqu’à douze ans on lui donne l’autorisation d’aller seule à la piscine, elle découvre la sensualité de l’eau, de l’air, du soleil et plonge, fascinée, éblouie, dans l’observation de l’Etranger, l’homme. Mais lorsque se rompt le fil de l’attente, que reste-t-il à inventer ? Après un baiser tout prendrait fin. Au deuxième baiser tout serait devenu une habitude. L’amour est-il si bref ?

Unica Zürn, compagne de Hans Bellmer, écrit ce texte en 1967 sur les conseils d’Henri Michaux, dans un rare moment de sérénité, alors que toute sa vie fut tendue entre lucidité et folie. Son écriture, exactement les mots et les émotions de l’enfance, conduit ceux qui l’écoutent sur le chemin de crête d’un imaginaire foisonnant.

Mathilde Mélèse