Double/Solos/Un soir : pour Laurent Chétouane, tout solo est un duo en puissance, le danseur portant avec lui son double comme une ombre. Et tout duo une multiplication des failles, des possibles, des temps contenus dans le corps de chaque interprète. Pour ce metteur en scène devenu chorégraphe, l'espace de la représentation laisse toujours résonner l'écho du « Qui est là ? » ouvrant Hamlet de W. Shakespeare.
Cette réflexion incarnée sur ce qui fonde l'instant de la performance – le battement intime qui travaille l'impulsion, la sépare à chaque instant du sujet en train de l'effectuer – sollicite aussi bien le danseur que le spectateur. Pris dans un espace intermédiaire entre l'image qu'il renvoie et sa propre matérialité, attentif à l'origine, à la durée, à la destination de chaque mouvement, l'interprète conduit le spectateur à la prise de conscience du « drame de la présence ».
Les lignes de conflit qui le traversent amènent une mise en doute de son unicité. Dans un premier solo, la chair s'attaque aux fragments d'un texte lu, décalant, contrariant les mots qui énoncent la position du « je ». La réflexion sur le sujet que déplie le texte, le corps en révèle les fissures, le déséquilibre constant. Ancré dans l'ici et là, toujours ailleurs, mettant en doute la réalité de sa propre situation spatiale, il peut dire « je suis debout » tout en laissant entrevoir les coordonnées discordantes de ses spectres.
Ce dialogue entre l'aspect performatif du langage et celui du corps ouvre un interstice, un milieu fragile où le dédoublement du solo laisse place à un duo. « Je » devient l'autre d'un autre. Un nouveau solo s'en extrait – d'abord hanté par l'autre absent, puis devenant l'affirmation d'une danse ayant traversé ses mirages. Une lente exploration, où le corps accepte d'être dépassé, façonné par un croisement de temporalités toujours renouvelées. Double / Solos / Un soir : le vertige des apparences se fond dans le temps pur de la soirée, rapprochant celui qui regarde de celui qui est regardé, et réunissant ce qui est, ce qui a été et ce qui a eu lieu.
Gilles Amalvi
Musicien (guitare) : Leo Schmidthals
9, bd Lénine 93000 Bobigny
Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)