Tilt !

du 13 décembre 2013 au 1 mars 2014
1h10

Tilt !

Tilt ! est un mélange choisi de textes de Sébastien Thiéry, parmi les plus corrosifs. L'auteur les interprète ici en compagnie de Bruno Solo. Détonant, hilarant et loufoque, ça vient de commencer et le succès est au rendez-vous !
  • Une tristesse à se tordre de rire

Tilt ! est un mélange choisi et remanié des textes de Sébastien Thiéry parmi les plus explosifs et les plus corrosifs, extraits de deux recueils de sketches parus aux éditions L’avant-scène théâtre, Collection des quatre-vents, le premier en 2003 sous le titre de Sans ascenseur, le second en 2004 sous celui de Dieu habite Düsseldorf.

Deux hommes conversent paisiblement. Des êtres moyens, timides, inoffensifs. Ils s’interrogent et se confient à propos de leur passé, de leur famille, de leur travail, de leurs ambitions, de leur place dans la société. Cette conversation, ces dialogues drôles et loufoques ne seraient-ils pas finalement l’inventaire désenchanté d’une irrémédiable solitude ?

  • La presse en parle

« Soit une heure quinze de rires tour à tour francs et jaunes, un voyage léger mais pénétrant dans l’absurde de l’existence. » Philippe Chevilley, Les Echos, le 6 janvier 2014

  • Extrait

« Au restaurant »

Monsieur n° 2 : Je ne parle pas à la serveuse.
Monsieur n° 1 : Ah d’accord… Vous ne parlez plus à cette serveuse…
Monsieur n° 2 : À aucune.
Monsieur n° 1 :Vous ne parlez plus à aucune serveuse ?
Monsieur n° 2 : Non, non… à aucune femme.
Monsieur n° 1 : Vous ne parlez plus à aucune femme ?
Monsieur n° 2 : Non !
Monsieur n° 1 : Non, c’est vrai ?… Vous leur parlez plus ?… À aucune ?…
Monsieur n° 2 : Zéro.
Monsieur n° 1 : Dites donc… Ça fait du monde.
Monsieur n° 2 : Ça… Y en a un paquet.
Monsieur n° 1 : Forcément… La moitié au moins… Même plus il paraît.
Monsieur n° 2 : C’est ce qu’on dit…
Monsieur n° 1 : D’un autre côté, personne ne les a jamais comptées.
Monsieur n° 2 : Qui ça ?
Monsieur n° 1 : Les femmes… Personne ne les a jamais comptées.
Monsieur n° 2 : Ah non ?
Monsieur n° 1 : Bien sûr que non… Elles sont tellement nombreuses… Et puis elles bougent tout le temps… C’est pas pratique.
Monsieur n° 2 : Forcément…
Monsieur n° 1 : Mais pourquoi ?
Monsieur n° 2 : Pourquoi elles bougent ?
Monsieur n° 1 : Non, non… Pourquoi vous ne leur parlez plus ?
Monsieur n° 2 : Parce que j’ai rien à leur dire.
Monsieur n° 1 :Vous n’avez rien à leur dire ?
Monsieur n° 2 : Non… On est brouillés.

  • Sébastien Thiéry, par lui-même

« Je suis issu d’un milieu bourgeois modeste… Disons bourgeois à la con. Après des études médiocres, pour ne pas dire inexistantes, je me lance dans le théâtre à l’âge de 20 ans. Quatre ans plus tard, j’entre au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, ce qui restera l’exploit de ma vie. J’en sors trois ans plus tard. N’ayant aucune proposition professionnelle, je me déguise en maître d’hôtel, et livre des petits déjeuners aux metteurs en scène de cinéma et de théâtre afin d’obtenir du travail. Cette méthode, un peu trop matinale au goût de certains, me permet néanmoins d’être engagé dans des films de Bertrand Tavernier, Josée Dayan, Gérard Jugnot ou Alain Chabat. Je participe également à des téléfilms, assez mauvais dans l’ensemble, où mes prestations n’ont laissé aucun souvenir.

À 30 ans, je réalise que ma vie professionnelle est un échec, et décide de me mettre à écrire. Ma première pièce, Sans ascenseur, a amusé Jean-Michel Ribes… Il la met en scène au Théâtre du Rond-Point en 2004… Les gens avaient l’air content en sortant de la salle, j’écris donc une deuxième pièce, Dieu habite Düsseldorf qui est montée au Théâtre des Mathurins en 2006. Je suis l’auteur et l’interprète entre 2004 et 2005 d’une série sur Canal+, Chez maman, avec Françoise Christophe. En 2005 je tourne également des caméras cachées pour l’émission de Stéphane Bern, toujours sur Canal+.

Étant de mieux en mieux payé, et travaillant de moins en moins, je me lasse de la télévision, et elle de moi ; je me remets donc à écrire du théâtre en 2007. J’écris successivement Cochons d’Inde pour Patrick Chesnais, Qui est Monsieur Schmitt ? et Le Début de la fin pour Richard Berry, et Comme s’il en pleuvait pour Pierre Arditi. En septembre 2013 Jean-Michel Ribes monte L’Origine du monde, ma dernière pièce, au Théâtre du Rond-Point, l’histoire d’un type qui doit prendre en photo le sexe de sa mère. Cette pièce correspond à la fin de ma psychanalyse. J’ai 43 ans, la vie me sourit, et je suis un peu heureux. »

  • Sébastien Thiéry, vu par les autres

Pierre Arditi : « une vision tragique du monde »
« J’aime ce qu’il y a d’héritage du théâtre de l’absurde dans la manière d’écrire de Sébastien Thiéry. Je dirais qu’il y a quelque chose de très ionescien dans sa façon de saisir cet absurde : il installe des situations complètement folles, on en rit beaucoup, mais ce ne sont pas simplement des situations “pour” faire rire. Il y a en lui beaucoup plus : un regard féroce, sombre, sur le monde, notre société et plus largement, notre condition. Il ne s’agit jamais simplement de farces, mais d’une manière de débusquer dans la société, l’absurdité, le non-sens, les impasses. En fait, sans emphase, on peut dire qu’il a une vision tragique du monde […]. Cette vision apocalyptique, dégage les mécanismes qui nous oppressent, qui nous oppriment, nous permet de les voir, de les comprendre. […] Ce qui est impressionnant dans la pensée de l’auteur, c’est qu’il n’y a pas d’élément modérateur. Quelqu’un déchire l’enveloppe et nous sommes face à ce que nous pouvons contenir de médiocrité, de vulgarité, de faiblesse, voire d’ignominie. On est souvent très peu recommandable… »

Jean-Michel ribes : « un dadaïste »
« Indéniablement, Sébastien Thiéry a un chromosome d’insolence et de folie que la plupart des gens n’ont pas. Il est à la fois drôle, insaisissable, provocateur, et en même temps tendre. Il a en lui un petit fond tragique qu’il s’efforce sans cesse de cacher derrière des répliques irrésistibles. Il occupe une place très singulière dans le paysage dramatique actuel : son théâtre n’appartient ni au boulevard ni au “théâtre punition” réservé à quelques spécialistes qui s’assoupissent en le regardant. Si je devais l’apparenter à un mouvement, je dirais que sa spontanéité a quelque chose à voir avec le dadaïsme. »

Philippe Tesson : « un bâtard de dubillard »
« L’univers de Sébastien Thiéry nous est très familier. Il y a plus d’un demi-siècle qu’il a fait irruption dans le théâtre français. On peut même remonter plus loin, si l’on veut. L’incohérence du langage n’est-elle pas née avec Labiche ? Avec Henry Monnier même, qu’on ne représente plus jamais. Et au xxe siècle, entre les deux guerres, surréalisme aidant, on ne s’est pas privé de jouer avec les mots. Mais c’est dans les années 50 que les choses devinrent sérieuses. Il ne s’agissait plus seulement de libérer les mots de leur sens pour faire rire le public aux dépens des bourgeois, il s’agissait de se servir des mots pour montrer que rien n’avait plus de sens. La guerre avait fait franchir un pas à l’absurde. L’absurde n’était plus seulement le contraire de la raison et le synonyme de l’extravagance, l’absurde devenait ce qu’aucune fin dernière ne justifie. C’est de la condition humaine qu’on découvrait l’absurdité, et du même coup celle-ci gagnait ses lettres de noblesse philosophique. Beckett était né, et Adamov, et Ionesco. Sébastien Thiéry n’est pas leur petit-fils, parce qu’il n’a pas la tripe philosophique, mais il est de la famille. Par alliance. Puisqu’il faut toujours des références, on dira : une sorte de bâtard de Dubillard. Entre les Grégoire et Amédée de ce dernier et les “messieurs” de Thiéry, il y a des parentés : le dialogue plonge dans les mêmes gouffres et les victimes ne parviendront jamais à remonter à la surface, elles n’ont pas de cordes, elles n’ont pas de muscles, pas de chance, elles sont laissées pour compte. Victimes. C’est l’humanité de Sébastien Thiéry qui nous touche. Son archétype est un médiocre, un timide, un petit, un “inapte” comme dit l’auteur, improductif mais inoffensif, jamais en révolte, et qui n’a pas sa place mais qui cherche à la trouver, qui cherche à être comme les autres, qui cherche de l’affection, du travail, de la reconnaissance, un ami, un père, quelqu’un capable de partager sa tristesse. Avec ces ingrédients-là, qui sont de l’ordre du tragique, certains, illustres, ont porté la transcendance au niveau du chef-d’oeuvre. D’autres ont plus modestement cultivé la dérision. La veine très personnelle de Sébastien Thiéry ne cède pas davantage à la prétention qu’elle n’emprunte au mépris. Il dit simplement la vérité de la misère des hommes, une misère paisible et sans espoir, une détresse supportable. La vie comme un désert. Il le dit sans effets, et tranquillement, et pour faire rire le plus grand nombre, de telle sorte que le plus grand nombre s’y retrouve. Sébastien Thiéry vulgarise l’absurde. »

Florian Zeller : « un humour kafkaïen »
« La critique a souvent évoqué, pour définir son univers, le nom de Kafka. Derrière ce nom, il fallait comprendre : construction labyrinthique, goût du paradoxe, penchant pour l’absurde. Certes. Mais il y a surtout une dimension, chez Sébastien Thiéry, qui est très kafkaïenne : c’est l’humour. Kafka n’est pas un auteur profond, mais comique. La profondeur ne vient qu’ensuite, souvent par accident. […] Il ne faut chercher aucun esprit de sérieux chez Sébastien Thiéry, sous peine de ne pas comprendre son projet.Voilà ce qui, à mon sens, le rapproche de Kafka. Ces textes sont extraits des parutions de L’avant-scène théâtre consacrées aux oeuvres de Sébastien Thiéry.

  • Note d'intention

Nombreux sont ceux qui se parlent sans jamais dialoguer. Dialoguer, c’est écouter et répondre. Les deux hommes de Sébastien Thiéry, eux, dialoguent : ils s’écoutent et se répondent. Ils ne font pas que se parler. Ils s’écoutent même avec intérêt. Et s’ils s’écoutent avec intérêt, c’est qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Sans l’autre, l’homme de Sébastien Thiéry disparaît. Pas de monologue possible. Monologuer c’est mourir. Avoir besoin de l’autre, c’est être en quête de lui. L’homme de Sébastien Thiéry n’a en vérité qu’un seul but : trouver un ami. Ces deux hommes n’ont pas le sens commun. Ils ont un sens très particulier, celui de l’absurde. L’absurde n’est pas une perte de sens, mais un sens auquel on n’a jamais songé. C’est particulier. Un sens inattendu en quelque sorte. Un peu comme le désordre est un ordre auquelon ne s’attend pas.

Si les dialogues entre ces deux hommes sont aussi hilarants, c’est parce qu’on ne s’attend pas à eux. Ils nous entrainent dans des endroits invraisemblables, dangereux parfois, des endroits dont on ne soupçonnait même pas l’existence…

On ne sait rien des deux hommes de Sébastien Thiéry, ni d’où ils viennent ni où ils vont. Ils n’existent que lorsqu’ils parlent. Rien d’abstrait ici, aucune mystique, que du concret. Forcément, ils sont seuls au monde. Je les crois pauvres. Ils parlent avec gravité des choses les plus banales, et une question comme « Vous aimez Montesquieu ? » devient inquiétante. Ils donnent de l’importance aux mots puisqu’ils n’ont qu’eux dans leur vie sans importance.

Ces hommes de Sébastien Thiéry, je les imagine devant une porte et une fenêtre. Rien de vague. Une porte pour apparaître et disparaître. Une fenêtre pour voir ailleurs. C’est toute la vie. Je ne les imagine pas dehors, sur une route ou au pied d’un arbre. Les hommes de Sébastien Thiéry sont des hommes d’intérieur. Ils aiment le chaud. Être à l’abri. Il y a aussi deux chaises pour reprendre son souffle, mieux réfléchir et poser enfin la question essentielle : « Vous chaussez du combien ? »

Jean-Louis Benoit

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Spectacle terminé depuis le samedi 1er mars 2014

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