Toulouse Lautrec a été bien des fois et de son vivant même, victime de la légende. J’ai voulu retrouver son vrai visage. Ce n’était point facile. La vie de Lautrec à première vue peut sembler parfaitement connue. Mais il n’y a là qu’une apparence. Il ne suffit pas, en effet, comme on l’a cru trop fréquemment, d’évoquer à son propos le décor prestigieux de Montmartre pour que tout soit dit. Les lumières éclatantes et factices de la butte ont souvent moins éclairé Lautrec qu’elles ne l’ont caché. Du reste, Montmartre n’était pour lui rien moins qu’un décor.
Au-delà du pittoresque, ce qu’il y rencontrait, c’était l’humain, l’homme dans sa nudité. Mieux que nul autre, il sut saisir l’âpreté de certains rires qui se veulent insouciants. Il ne fut jamais dupe. Ni des hommes ni des choses. Et de lui-même moins que de rien ou de personne. Sa vie fut un drame, une brève tragédie, menée jusqu’à son terme. Ce destin, c’est lui que je me suis efforcé de retracer dans la pièce, en évoquant ses dernières années de vie. Serrer au plus près la réalité, être le plus exact et le plus vrai possible. Tel fut mon but.
J’ai lu et confronté l’ensemble des écrits publiés sur Lautrec, j’ai recueilli tous les documents inédits que j’ai pu découvrir, j’ai cherché son souvenir dans les lieux où il vécut et avec les mêmes soins, je me suis informé des personnages qui furent mêlés à sa courte et tumultueuse existence. Parlez du peintre, que pouvais-je apporter de plus, ses innombrables œuvres parlent pour lui.
L’homme, son intimité, m’intéressait fort plus. Ses souffrances, le regard qu’avait sur lui les femmes, la relation quasi inexistante avec son père qui à cause de sa difformité, le renia durant sa courte existence, les maisons closes qui étaient pour le peintre une sorte de deuxième résidence, là où il pouvait exercer une libido envoûtante, faute d’avoir été accepté par les femmes de son milieu car ne l’oublions pas, Lautrec est issu d’une famille aristocratique.
J’ai souhaité sortir des sentiers battus pour prendre un chemin moins évident mais qui s’est avéré plus surprenant car il mettait en avant l’intimité de l’artiste, ce qu’il incarnait véritablement. Montrer sa face cachée, tel était mon objectif et pour cela, il me fallait mettre de côté tous les artifices des cabarets, du Moulin Rouge, de la butte pour ne montrer que l’homme non pas face à une toile mais face à lui-même.
Maurice Lamy
38, boulevard de Bonne Nouvelle 75010 Paris