Jerry et Emma ont eu une liaison pendant sept ans, Emma étant mariée à Robert, meilleur ami de Jerry. Deux ans après la fin de leur liaison, Emma demande à Jerry de la retrouver dans un bar, alors qu'elle est sur le point de se séparer de Robert.
Depuis ce point de départ, et sous la forme d'une chronologie inversée, Pinter retrace les sept années d'une triangulation amoureuse pour mieux en révéler les lignes troubles de la trahison et nous livrer une autopsie acérée des sentiments et non-dits amoureux.
Masques, illusions, langage double du corps et des mots, ce sont bien les interstices où se cache la vérité des rapports humains que Pinter nous invite à explorer, et non les ressorts du mensonge, et ce au travers d'une écriture abrupte et laconique exaltant l’amour tout en s'amusant des êtres ne parvenant qu'à s'y enliser.
La scène se voudra le miroir de cette écriture, de cette dualité entre ce que les mots disent et ce que les corps aimeraient masquer des failles et obstacles qui les habitent. Ombres et mouvements deviendront le terrain de jeu de ces corps, afin de laisser éclore le besoin intime et implicite de chacun des personnages.
L’oeuvre explore la trahison au pluriel existant en chacun de nous, perpétuée à nous-mêmes ou aux autres. Le rythme du temps reflète le temps qui nous rattrape et s’échappe de nous. Le conflit interne entre désir et lâcheté altère profondément l'âme et, telle la règle d’un jeu d’échecs, plonge chaque participant dans un abysse profond.
Tout dans cette oeuvre pourrait constituer un vaudeville : le mari, la femme et l’amant, une garçonnière, Venise, les soupçons, les aveux et les mensonges. La construction temporelle de l’oeuvre nous fait comprendre dès le départ l’adultère entre Jerry et Emma, la femme de Robert, qui est aussi le meilleur ami de Jerry. Les deux hommes, amis de longue date, sont également collaborateurs et partenaires de squash.
L’écriture de Pinter nous permet cependant de traiter ce sujet dans sa profondeur et de craqueler le cadre bourgeois et convenu de son histoire. La mécanique du mensonge, des trahisons conjugales et amicales se dévoile dans des scènes déployées à rebours et des ellipses, et nous présente ainsi une mise en abîme d’une clarté aveuglante.
La stratégie de l’indicible
Sa dramaturgie, toute en nuances et sous-entendus, met en scène une stratégie discursive de l'esquive et de la diversion, pour ne pas dire de la déviance.
L’inversion de l’ordre du temps
Comme l’observait Vladimir Nabokov, « personne ne peut imaginer en termes physiques l’acte d’inverser l’ordre du temps. Le temps n’est pas réversible. » Et pourtant, Pinter conteste cette déclaration. Comme les narratologues l’ont observé depuis longtemps, les récits obéissent à un double ordre temporel : l’ordre des événements dans le monde narratif et l’ordre dans lequel ces événements sont présentés par le discours. Dans un récit qui change véritablement la direction du temps comme l'auteur le fait dans Trahisons, le changement concerne le niveau de l’histoire et non le niveau du récit. En d’autres mots, ces récits décrivent un monde où le temps s'écoule en arrière tout à fait naturellement.
Parti-pris
Souvent le corps traduit clairement ce que la langue refuse d'énoncer. Ce n'est qu'en comprenant comment les matériaux du corps réagissent aux forces de la vie que nous pourrons mieux nous y adapter dans la pensée. Changer d'attitudes corporelles est une manière de changer d'attitudes mentales. Et inversement. S'engager dans de tels changements ouvre la voie à une plus grande liberté d'action et une meilleure protection du vivant. Vivant, le corps tout entier, porteur de son propre sens, raconte son histoire. Qu'il soit debout, assis, marchant, éveillé ou endormi, toute la vie jaillit dans le visage ou se projette dans les pieds de l'acteur.
Ce vocabulaire physique est le support du travail de la mise en scène. Avec comme axe, l’envie de travailler, entre autres, sur les trahisons du corps, dans le sens où ce dernier viendrait traduire l’espèce de schizophrénie qui existe en chacun des personnages de la pièce, entre ce qu’ils disent, sous-entendent et ce qu’ils pensent, cachent. Ou quand le corps donne à lire les failles, les faiblesses de l’être qui l’habite.
Un travail de fond s’est opéré avec les acteurs dans la construction de la mise en scène. Une juxtaposition de visuels, peintures, dessins, images choisis par chacun a permis de se représenter la relation des personnages à leurs choix, leurs désirs, leurs besoins, leurs manques, leurs peurs. De ce travail à la table ont émergé les symboles de la forme scénique représentée.
Le choix des couleurs s'inscrit tel le « chakra » dominant de chacun des personnages. Le panneau arrière invite à entrevoir la forme implicite, sous-jacente de chaque besoin des personnages. Le corps devient alors langage sensoriel de l’expérience vécue par chacun des protagonistes. L’expression corporelle des ombres se joue comme un éveil à la voix intérieure des personnages et montre ce qu’ils ne révèleront peut-être jamais.
Le déplacement est appuyé par le rythme musical du temps que chacun veut contrôler dans le désir de perpétuer un triangle amoureux, amical et passionnel.
Carole Proszowski, metteur en scène
Mise en scène très originale, rythmée, on est captivé, un très bon moment
La mise en scène est originale et réjouissante. Pas de temps mort.
La mise en scène originale, ouvre le jeu théâtral à d'autres espaces. Les acteurs expriment avec tout leur corps la violence des relations humaines. Et à travers les nuances du texte, ils nous donnent à découvrir ia complexité des sentiments, l' amitié aussi forte que l'amour. Ils forment un trio indissociable, et quand deux sont en scène, le troisième nous manque. C'est un spectacle singulier, puissant et les acteurs sont exceptionnels.
Nous avons passé une excellente soirée face à des comédiens vraiment talentueux dans une pièce de haut niveau.
Pour 4 Notes
Mise en scène très originale, rythmée, on est captivé, un très bon moment
La mise en scène est originale et réjouissante. Pas de temps mort.
La mise en scène originale, ouvre le jeu théâtral à d'autres espaces. Les acteurs expriment avec tout leur corps la violence des relations humaines. Et à travers les nuances du texte, ils nous donnent à découvrir ia complexité des sentiments, l' amitié aussi forte que l'amour. Ils forment un trio indissociable, et quand deux sont en scène, le troisième nous manque. C'est un spectacle singulier, puissant et les acteurs sont exceptionnels.
Nous avons passé une excellente soirée face à des comédiens vraiment talentueux dans une pièce de haut niveau.
80, Allée Darius Milhaud 75019 Paris