Tout commence dans ce café miteux où Chloé et Léon se rencontrent pour la première fois. Il est directeur financier pour une entreprise japonaise, elle restaure des livres anciens. Bref ! Tout les sépare.
Seul ce phénomène étrange qui les catapulte dans des rêves communs les réunit. Et les réveils du matin sonnent et nos protagonistes disparaissent, se retrouvent quelques rêves plus tard, re-disparaissent… Ils vont ainsi se découvrir, se confier, se chamailler, se heurter : ils vont sans vouloir l’accepter commencer à s’aimer.
Mais comment franchir alors le pas du rêve à la réalité ? Comment faire pour ne pas avoir peur de tout gâcher ? Comment assumer d’aimer ? Le coup de pouce viendra de cet étranger mystérieux et muet jusqu’alors. N’était-il là depuis le début que pour leur permettre, au moment opportun, d’oser enfin être simplement heureux ?
La rencontre entre Chloé et Léon s’est faite étrangement à l’époque où les sites de rencontre par internet commençaient à poindre. Comme la preuve d’un mal-être évident chez les laissés-pour-compte de l’amour, l’ordinateur arrivait comme solution à un premier ou deuxième ou troisième échec. Les trentenaires sentimentaux qui s’y jetaient à tour de bras y cherchaient probablement la même chose que nos deux héros, l’illusion d’un amour sans risques et sans exigences tout à son rythme : une heure par-ci, cinq minutes par-là.
Chloé et Léon ont le sentiment d’être seuls, ne savent pas communiquer parce qu’on ne leur a jamais appris, et craignent de ne pouvoir rencontrer l’autre sans se blesser. A l’époque de la surprotection, de l’individualisme et de l’amour kleenex, la confiance en soi et en l’autre devient une denrée rare. On ne veut plus souffrir et on ne veut pas s’encombrer non plus. On sait qu’on peut se débarrasser vite de l’autre s’il devient gênant et qu’en contrepartie, un siège éjectable nous est également proposé.
J’avais envie de mettre en avant dans cette histoire d’amour moderne, ce qui caractérise aujourd’hui malheureusement notre approche de l’amour et de la rencontre avec l’autre : la méfiance et le besoin de se protéger. Les héros d’antan guerroyaient pour l’être cher, prenaient au mieux des bleus et des bosses, ils risquaient leur vie pour bâtir un avenir. Nous, nous nous cachons derrière notre pudeur ou notre « pas le temps », parfois derrière nos claviers et nos écrans, bien vissés sur notre fauteuil, protégés et on rêve…
Dans cette époque d’individualistes où tout est si rapide, où personne n’a plus le temps de rien, comment trouver le temps de séduire l’autre ? On ne sait plus l’observer, l’entendre, le voir et le toucher, comment peut-on espérer alors être en retour observé et être aimé ? Qui s’arrêterait près de nous pour panser nos plaies si la vie tournait mal ? Qui s’arrêterait près de nous pour prendre un café et juste parler du temps qu’il fait ?
Valérie Montag
« Troisième rêve à gauche », histoire d’amour qui nous entraîne du virtuel au réel, débute dans un café, se poursuit dans un compartiment de chemin de fer et s’achève dans une serre, tout du moins pour la partie onirique. La réalité apparaîtra en épilogue dans le café du début.
Le café, environnement de chaleur et de liquides évoque le magma, le chemin de fer représente les gisements profonds de la terre et la serre nous amène à la surface vers une réalité qui se concrétisera finalement dans le café initial, donc le magma avec ses torrents de feu comparable à un amour naissant. C’est l’histoire de ce périple qu’il convient de faire épanouir.
J’aurais pu dire aussi : le café, environnement de chaleur et de liquide, est le symbole d’une vie amniotique, le chemin de fer, celui du voyage vers l’existence et la serre celui d’une dernière poussée vers l’éclosion pour parvenir en fin de compte au café lieu d’accueil pour une vie terrestre qui commence.
J’aurais également pu écrire...mais je suis sûr que vous avez compris. Rassurez-vous, ces analyses ne sont que visions humoristiques, mais qui vont dans le sens de la pièce. C’est exactement ce que la mise en scène et la direction d’acteurs tenteront de mettre en exergue : une histoire touchante habillée d’humour. «Humour» qui est tout de même la plus belle rime « d’amour » !
Sylvain Lemarié
7 rue Véron 75018 Paris