Un conte cruel, joyeusement délirant et poétique, où règne l’inattendu. Le temps va manger les événements, il n’en restera pas même les noyaux.
Une féerie noire d’Alexandre Vvedenski, poète russe suffisamment éloigné de la ligne droite du Parti pour avoir été envoyé deux fois en prison, où il est mort. Il a appartenu au mouvement Oberiou, qu’on pourrait rapprocher du Dadaïsme pour son goût du bizarre. Pour ses membres, il s’agit essentiellement de comprendre le monde à partir des mots et du temps : les deux composantes du théâtre. C’est ce qui a retenu l’attention d’Agnès Bourgeois.
« Des mots à la fois précis et ambigus sur lesquels a particulièrement travaillé le traducteur André Markowicz. Avec eux, Vvedenski fabrique de l’impensable. Rien n’est stable chez lui, rien ne saurait être définitif sinon la mort. Précisément, quand elle arrive, on ressent la vie dans toute sa force, sa splendeur. » On pourrait donc qualifier la pièce de fantaisie macabre. L’action se passe dans une famille bourgeoise, à la veille de Noël, à la fin du XIXe siècle. En l’absence des parents, les enfants prennent leur bain avec la nurse ; ils sont sept, ils sont âgés de sept à quatre-vingt-deux ans...
« Accepter une autre logique s’avère indispensable. Nous sommes dans un perpétuel aller-retour du conscient à l’inconscient et dans la superposition des temps. Nous plongeons au coeur d’un espace panoramique, rectangulaire, comme à l’intérieur d’un cercueil, en proie à d’incessantes déformations et transformations, à des flashs d’amour inattendus, émotion et ironie entremêlées. Tout ici est un peu trop présent, comme dans un paysage de neige parcouru de lignes scintillantes. Et puis, la famille se réunit autour du sapin. Et lorsqu’il s’éteint, parents et enfants disparaissent. Fin. Auparavant, il y aura eu la force de l’instant. Vérité ou puissance du théâtre ? »
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