Prologue d'Une Saison en enfer
La presse en parle
Note d'intention du metteur en scène
Entretien avec Benjamin Porée
Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l’ai trouvée amère. - Et je l’ai injuriée.
Je me suis armé contre la justice.
Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c’est à vous que mon trésor a été confié !
Je parvins à faire s’évanouir dans mon esprit toute l’espérance humaine.
Sur toute joie pour l’étrangler j’ai fait le bond sourd de la bête féroce.
J’ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils.
J’ai appelé les fléaux, pour m’étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu.
Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime.
Et j’ai joué de bons tours à la folie.
Et le printemps m’a apporté l’affreux rire de l’idiot.
Or, tout dernièrement m’étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j’ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.
La charité est cette clef. Cette inspiration prouve que j’ai rêvé.
« On n’a pas souvent l’occasion de se replonger aussi intensément dans les classiques de la littérature française. » Le Parisien
« Un élan de feu » La Provence
« Ce spectacle magnifié par le charisme magnétique du comédien Matthieu Dessertine, seul en scène, expose dans une scénographie minimale la puissance hallucinatoire de la langue rimbaldienne. » 20 Minutes
« Rimbaud est revenu au monde. Nous sommes entrés en poésie. » Philippe Chevilley, Les Echos, 07 février 2014
« La pièce évoque la parole d’un damné, d’un homme seul s’adressant à Dieu, à Satan et qui tente de résoudre le problème religieux qui s’impose à lui. Lors de la rédaction d’Une saison en enfer, le poète, lorsqu’il écrit, connaît une expérience physique : sanglots convulsifs, gémissements, ricanements, cris de colère, de malédictions. On le voit revenir peu à peu de ses errements vers la raison, cheminement entrecoupé de « rechutes », avant qu’il ne condamne toute forme de mysticisme. Le texte est ici restitué tel qu’il est : urgent, violent, actuel. »
Benjamin Porée
Historique de la création
Lorsque le spectacle a été créé, en 2006, j’étais encore au Cours Florent dans un cycle au cours duquel j’ai rencontré Matthieu Dessertine. A cette occasion, il m’a invité à aller voir Une saison en enfer qu’il jouait. Il a souhaité reprendre le spectacle et m’a alors demandé de le mettre en scène. Matthieu a trouvé une salle très bien placée à Avignon. Les premiers jours nous n’avons pas eu trop de monde, mais finalement, assez rapidement ça a pris. La presse est venue ainsi que le public. Nous avons donc eu envie de reprendre le spectacle à Paris. Là encore, la presse et le public ont été au rendez-vous. Il y a deux ans, après avoir monté Platonov qui était un spectacle très lourd avec beaucoup de comédiens, j’ai décidé de reprendre Une saison en enfer. J’ai donc rappelé Matthieu qui a accepté et nous avons repris les répétitions en 2012, le temps de nous retrouver, de réapprendre le texte, de transformer le spectacle d’il y a six ans… Nous l’avons repris au Théâtre du Baléti.
L’heureux travail artistique Comment pourrais-tu décrire le cheminement dans la mise en scène ? D’où êtes-vous partis ? Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Les premières années où nous avons joué ce spectacle, nous y sommes allés, pourrait-on dire « corps et âme ». Matthieu avait dix huit ans, j’en avais vingt. Je crois que la force du spectacle c’était d’y aller en entier, avec une force juvénile, quelque chose d’angélique… Matthieu avait cette présence comparable à celle du jeune Rimbaud, un corps poétique. Nous étions dans une esthétique très simple : à Avignon, nous avions une baignoire – qui est restée depuis et quelques babioles, un bout de croix, une table et beaucoup de musique. Nous pensions alors que les gens allaient tout comprendre, à mon sens ils comprenaient d’autres choses ; ils voyaient surtout une présence, l’énergie… En le reprenant il y a deux ans, nous avons voulu tout changer. Nous n’avions plus le même âge et nous avions tous deux évolués dans notre travail.
Finalement, nous avons relu le texte ensemble en essayant de le décrypter. Ce qui pouvait plaire dans l’ancienne version c’était l’image d’Epinal de Rimbaud, du jeune Rimbaud que d’ailleurs nous ne contrôlions pas, nous essayions alors de jouer le côté « je suis vraiment Rimbaud ». A la reprise, nous avons décidé de casser cette image. Depuis nous prenons le texte brut et nous le confrontons à l’acteur Matthieu aujourd’hui. Cela change tout. Nous tentons de dire que le texte raconte des choses très concrètes sur l’individu, l’homme et la place de chacun dans la société.
Nous avons compris que le début, le passage sur les origines, est une sorte de prologue que Rimbaud a écrit après la rédaction d’Une saison en enfer. Quand on le lit on a l’impression d’une adresse au lecteur-spectateur : « Attention avant de lire Une saison en enfer, il est important que vous compreniez par où je suis passé… ». Nuit de l’enfer, Vierge folle, Alchimie du verbe constituent une zone centrale, qui a toujours été notre noyau. Donc à la suite du prologue, s’opère un mouvement de bascule comme dans une sorte de flashback : on repart, on rentre dans une théâtralité et on est dans différents lieux avec des vraies lumières de théâtre. Puis, on fait évoluer cette adresse au public. Le spectateur finit au même endroit que le poète.
Notre principale recherche a été d’établir l’échange avec le public, et de faire émerger la théâtralité d’un texte qui n’est pas théâtral. Nous essayons d’aller vers le spectateur. Nous aussi à la création nous étions dans nos solitudes. Et au fur et à mesure que nous jouons, nous allons de plus en plus vers le spectateur. J’ai grandi, fait des mises en scène et je me suis rendu compte que je cherche avec le public une théâtralité qui est la mienne, un endroit de parole qui est le mien. Matthieu aussi a évolué en tant qu’acteur. Le spectacle est en train de s’ouvrir et notre compréhension du texte s’affine. C’est une langue très riche, proche de nous, le texte parle de choses très concrètes sur la société. J’ai l’impression que les problèmes n’ont pas réellement changé, mais se sont déplacés, ainsi lorsque Rimbaud écrit « N’est-ce pas parce que nous cultivons la brume ! Nous mangeons la fièvre avec nos légumes aqueux. Et l’ivrognerie ! et le tabac ! et l’ignorance ! et les dévouements ! - Tout cela est-il assez loin de la pensée de la sagesse de l’Orient, la patrice primitive ? Pourquoi un monde moderne, si de pareils poisons s’inventent !» il me semble que cela résonne encore aujourd’hui.
La nudité au plateau
L’an dernier Matthieu commençait le spectale nu et silencieux pendant une minute. Après ce temps d’observation, de réaction à cette nudité exposée, il pouvait alors commencer. Dans la version actuelle, les gens ne rentrent plus dans le noir mais dans la lumière de service. Matthieu est déjà nu au plateau. Par la suite, il est nu également dans Nuit de l’enfer où il est « dans sa baignoire ». Il se lave. La nudité était là, c’était une évidence. Et puis lorsqu’il fait la Vierge folle il est nu dans l’obscurité avec juste une lampe torche, du maquillage. Il devient une femme, la lumière vient sculpter son corps.
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