Une mère vampirique, un père sans travail trompant son angoisse dans un désir maniaque de propreté, des enfants partagés entre l'envie de fuir et de rester, sans oublier les non-dits et les secrets enfouis : tel est le tableau de cette famille prête à passer à table...
La pièce met en évidence la tentation de la claustration au coeur d’une famille malmenée par le monde extérieur. Le trop plein d’amour, même s’il répond à une violence sociétale, finit par nuire à celles et ceux qui en sont l’objet.
Pour moi, cette pièce tend donc à mettre en jeu et en chair les risques encourus par le confinement familial, tout en pointant implicitement du doigt le responsable de cet état de fait : la société actuelle. J’insisterai sur l’importance que j’accorde au caractère ordinaire de la famille Lemorand et cela malgré le(s) comportement(s) pour le moins singulier(s) de ses membres.
Mais les raisons qui les poussent à agir de la sorte, elles, ne sont pas extravagantes, bien au contraire. Cette famille rencontre les mêmes problèmes qu’une famille de classe moyenne, dont la plupart d’entre nous sont issus. Bien que plusieurs indices disséminés çà et là dans le texte puissent laisser croire qu’un drame va se produire, jamais il n’adviendra. La famille Lemorand ne fera pas la une des journaux. Elle restera dans l’anonymat le plus complet.
C’est un point crucial selon moi car cette pièce n’a pas pour vocation le spectaculaire, mais, à l’inverse, de laisser entrevoir les dégâts insolites que peut provoquer le monde dans lequel nous vivons dans le quotidien de personnes, auxquelles la plupart d’entre nous peut s’identifier. Il s’agit donc avant tout de rendre tangible la contamination de notre société à l’intérieur même du foyer domestique ; contamination qui ne donne donc pas lieu à un fait divers mais conduit subrepticement ceux qui la subissent jusqu’au seuil de la folie et du renoncement.
Dimitri Klockenbring, metteur en scène
53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris