Douze ans après avoir créé un fameux Canard Pékinois, Josef Nadj revient au Théâtre de la Bastille avec deux spectacles : Woyzeck (ou l'ébauche du vertige), mimodrame bouffon, noir et grinçant très librement adapté de Büchner, et la création du temps du repli (titre provisoire) un trio porté par la musique " live " du percussionniste russolituanien Vladimir Tarasov.
Josef Nadj nous propose un concentré muet de ce Woyzeck, pièce inachevée de Büchner, qui a donné lieu à tant d’interprétations diverses. Pour Josef Nadj, l’énigme Woyzeck se dressait sur son chemin. Il pensait devoir l’affronter un jour ou l’autre.
" Cette vérité, tout d’abord - connue et avérée, mais toujours oubliée : que Woyzeck est un drame inachevé, l’état d’une forme en devenir arrêtée net par la mort de l’auteur. Non pas une pièce en fragments, mais une pièce en morceaux : car le tout des morceaux n’est pas celui des fragments, il est moins noble, il n’a pas séjourné dans la science et ne se constitue pas en réseau mais s’empile simplement, strate après strate. Morceaux à l’étal, empilés sur la scène, comme ci ou comme ça...
Les voix qui parlent dans Woyzeck parlent dans la folie qu’il n’y ait pas (ou plus) de loi et que la nature soit ce qui, aux pauvres gens, tienne lieu de loi, mais comme un vide : bouteilles bues dans les cabarets, lueurs animales dans la nuit. Parce qu’elle est écrite avant que les " pauvres " gens ne se constituent (ou ne soient constitués) en tant que sujet révolutionnaire - avant, donc, leur rassemblement autour d’une loi ou de ce qui peut en tenir lieu - l’histoire de Woyzeck et de Marie, quoiqu’historiquement située, et même située dans le trou de rat de l’Allemagne au ciel très bas du Vormäz, échappe à l’agitation héroïque comme à toute récitation orientée ou édifiante... "
Jean-Christophe Bailly " Woyzeck, ivre de pensée " .
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