Cirque et théâtre
Un carnet de voyages dans la Chine d’aujourd'hui
La presse
Le non-agir
Fresque troublante et poétique de la Chine d'aujourd'hui, la dernière création de Yoann Bourgeois et Marie Fonte nous raconte, par le biais du cirque et du théâtre, les contradictions de ce vaste pays, entre tradition et modernité.
Fascinés par l'univers de l'opéra de Pékin, par cet apprentissage qui place l'acrobatie au cœur du travail de l'acteur, ils décident de travailler avec des artistes chinois. Ils convient ainsi un groupe hétérogène d'acteurs et acrobates, avec lesquels ils créent un spectacle surprenant portée par la direction musicale de Jean Christophe Frisch.
Concept issu de la philosophie taoïste, Wu Wei, le « Non-agir » désigne un état d'équilibre parfait, où l'homme est en harmonie avec la nature.
Yoann Bourgeois et Marie Fonte sont déjà connus dans les milieux du cirque et de la danse, qu’ils traversent depuis quelques années avec des propositions artistiques inédites. Après avoir été inspirés par la musique de J.-S. Bach, ils approchent maintenant l’oeuvre de Vivaldi, pour entamer, avec Les Quatre Saisons, une réflexion sur la vie et sur le temps qui passe.
Fascinés par l’univers de l’opéra de Pékin, ils ont décidé de travailler avec des artistes chinois de la ville de Dalian. Accompagnés sur scène par l’ensemble XVIII - 21 Le Baroque Nomade, ces acteurs et acrobates, hommes et femmes de tous âges, nous livrent une fresque troublante et émouvante de la Chine d’aujourd’hui.
Direction musicale : Jean-Christophe Frisch
Assistante et violon solo : Sharman Plesner
Artistes de l'Ecole d'art de la ville de Dalian (Chine) : An Liming, Jiang Huimin, Sun Ruichen, Zhao Yimeng (artistes femmes) et Che Hu, Chen Jianhui, Qu Aiguo, Tan Zuoliang, Zhang Benchuan, Liu Yuanzhi, Song Chao (artistes hommes)
Musiciens du Balkan Baroque Band : Sharman Plesner (violon solo), Federica Bianchi (clavecin), Mircea Ionescu (1er violon), James Jennings (violon), Andrej Jovanic (théorbe), Zsombor Lazar (violoncelle), Arpad Szogyor (contrebasse), Djordje Milosevic (violoncelle), Jean Christophe Deleforge (contrebasse), Vassilis Tsotsolis (Alto)
« entre échantillons de vie quotidienne et saynètes théâtrales qui ne veulent pas en avoir l'air. » Le Monde
« Yoann Bourgeois braconne les arts du cirque pour composer une œuvre originale. » La Terrasse
« Bourgeois s'est laissé dépouiller de tout. Sauf du jeu et de la poésie qui lui sont comme son souffle même. » Le Figaro
« Yoann Bourgeois, acrobate, acteur, jongleur, danseur mais avant tout joueur. » Radio France
« Wu Wei ou la sagesse de se laisser traverser par les forces plutôt que forcer les choses. » France Culture
« Yoann Bourgeois veut, avec Wu Wei, élargir le domaine de la sensibilité. » 20 Minutes
Le Wu-Wei est une notion du taoïsme dont la traduction littérale pourrait être : « le non-agir ». Mais cette traduction ne doit pas être entendue comme signe d’immobilisme ou de passivité. Il s’agirait plutôt d’une action sans force, d’un accord avec un sens naturel et originel. On trouve cette pensée dans le livre légendaire de Lao Tzeu : le Daodejing, écrit au IVe siècle avant J-C, qui présente l’un des fondements du taoïsme.
C’est donc du fond des temps, et a priori loin de l’acrobatie que je découvrais une problématique qui réfléchissait étrangement les recherches que j’effectuais sur la notion de présence à travers les arts du cirque : considérer l’acteur de cirque comme un vecteur de forces physiques qui passent par lui. La spécificité de notre processus est une déconstruction des matières circassiennes par laquelle « la figure » accède au statut de « motif ». Cela signifie entre autre que nous déjouons le sens traditionnel de la surenchère au profit d’une réflexion horizontale sur le temps. J’appelle « matières circassiennes » cet ensemble de jeux qui mettent en relation un corps et une force physique. Mon écriture vise avant tout à rendre perceptible ces forces car elles sont pour moi une source intarissable de « drame » ; un théâtre au potentiel imaginaire puissant où l’élément dramaturgique n’est plus conduit par la seule psychologie de l’acteur. Dans ce jeu des forces qui traversent les acteurs, nous cherchons à atteindre « un point de suspension » (endroit idéal lorsque l’envol d’un corps atteint son apogée et lorsque la chute n’a pas encore débuté). Passer par ce point, trouble le présent et lui confère un « temps hors-durée ». C’est un point bouleversant pour l’homme qui subit chaque seconde le travail du temps.
Par la quête de ce point – recherche obstinée d’un lieu « neutre » qui ne subirait plus les contraintes d’aucune force, nous pensons que notre cirque est peut-être avant tout, un cirque éthique. Ce projet de spectacle avec les acrobates de Dalian fait suite au travail que nous avons initié avec L’Art de la Fugue qui introduisait la recherche conjointe d’un rapport à l’objet et d’une composition musicale contrapuntique. Nous aimerions aujourd’hui concevoir une pièce avec un ensemble plus conséquent basée sur Les Quatre Saisons de Vivaldi. Elle serait le support de composition pour approfondir nos recherches sur le cirque et ses relations avec le temps. Cette pièce toute en contraste présente les variations cycliques d’états de la nature. Je voudrais mettre en relation ces transformations du paysage avec les transformations de l’âge, chez l’homme.
La spécificité de l’enseignement artistique en Chine met l’acrobatie comme un apprentissage fondamental, même chez ceux qui deviendront par exemple musiciens. Cette pratique, minoritaire et millénaire trouve ses racines aussi loin qu’on puisse trouver des hommes. C’est ce caractère ancestral qui constituait au départ ma première motivation pour concevoir avec des Chinois, une création. Nous réunirons ainsi sur le plateau des artistes de générations différentes.
Nous aurons pour scénographie un sol vallonné, recouvert d’herbes. La musique y sera jouée chaque soir au présent, par un orchestre. Expression d’une vitalité joyeuse, d’un désir d’être au monde et de faire, jusque dans l’épuisement. La simplicité avec laquelle nous aborderons l’oeuvre musicale – objet monumental – nous servira à mettre en évidence notre rapport vivant, actuel à elle et rendre son évidente beauté. Ainsi sur ces terrains anciens, naîtrons des sentiments inédits de fraîcheur. Nous aurons l’audace par là, de nous emparer encore de l’histoire car nous y voyons, une certaine sensualité à justement nous y relier.
Dans cette simplification des formes donc, l’énergie et la joie du « faire » manifesteront un nouvel hédonisme. Sorte de généalogie de l’acrobatie, il ne s’agira plus de reproduire des formes, mais de capter des forces. Des motifs d’élans, de courses, de sauts, de chutes permettront de phraser l’acrobatie dans des enlacements de flux. La relation d’un corps traversé par une force donne lieu à des signes puissants, à d’inépuisables dramaturgies. C’est cette vitalité du sens qu’il nous faut toujours retrouver. Ce point de prolifération sémantique, cette polysémie d’avant le langage et que la poésie cherche entre les mots. Cet émerveillement recommencé devant l’homme.
Yoann Bourgeois, juin 2011
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux