Un maître mot : le plaisir. Une pensée phare : questionner. Sans cesse et toujours, remettre à l’épreuve de la raison ce qui s’offre à nos yeux et nos oreilles. Avec son spectacle Zugzwang, la compagnie belge Transquinquennal s’empare de l’évidence par des chemins buissonniers et la restitue légèrement de biais, introduisant entre le réel et la fiction un subtil décalage.
Sur scène, une grande photo est exposée. Prise dans un café de Bruxelles, on y voit, éclairés par fragments successifs, grâce à des projecteurs, une scène de bar où des solitaires attablés côtoient des joueurs d’échecs. Parmi les figurants, quatre gaillards, que l’on retrouve, en chair et en os, assis sur des poufs, face au public. Ils écrivent et parlent, commentent les images, rêvent sur les visages, s’abandonnent à des récits saugrenus, laissant vagabonder librement leur propos. Ils inventent des vies à chaque client du bar, extrapolent tout et n’importe quoi dans un délire loufoque. Tout leur est permis puisque, avec eux, l’imagination est véritablement au pouvoir.
On les écoute, séduits par leurs récits, créés de toutes pièces, invraisemblables ou plausibles. Aussi captivés que nous l’étions, enfants, découvrant l’univers des légendes. Transquinquennal n’a pas besoin de beaucoup d’accessoires pour que naisse un théâtre qui tricote dans le quotidien et nous ramène, dare-dare, vers une bienheureuse innocence pétrie de naïveté.
Zugzwang est sans doute à ce jour le plus grand succès public et critique de Transquinquennal, et leur valut en 2002 le Prix du Meilleur Auteur, décerné par la SACD belge.
Présenter Transquinquennal tient de la gageure. D'un spectacle, voire d'un soir à l'autre, ces quatre comédiens-là semblent s'être donné le mot pour surprendre leur public, rafraîchir son regard, éveiller ses facultés critiques, sans jamais se reposer sur leurs lauriers. Car s'il y a une équipe qui prend au sérieux des termes comme "art vivant" et "recherche", c'est bien celle-là. Mais leur but n'est certainement pas de provoquer la surprise pour elle-même. Elle n'est qu'un effet secondaire qui découle de leur horreur de toute redite et de toute banalité. Horreur qui les a conduits à prendre une précaution radicale : ne jamais monter un texte du répertoire.
Rares sont les compagnies qui s'imposent, avec une rigueur qui force l'admiration, une aussi stricte discipline au service du théâtre d'aujourd'hui : depuis la fondation de Transquinquennal, il y a plus de dix ans, tous leurs spectacles, sans exception, ont été des créations d'oeuvres contemporaines. Qu'il s'agisse de leurs propres textes ou de ceux d'autrui, les quatre membres de ce collectif théâtral bruxellois font preuve dans leurs mises en scène de qualités d'intelligence, d'esprit et de probité dont la constance n'a d'égale que la stupéfiante diversité de formes qu'elles engendrent. Tous leurs paris créatifs reposent sur le choix d'une contrainte, dont il leur appartient ensuite d'assumer toutes les conséquences.
Collectif théâtral bruxellois, il travaille depuis plus de dix ans sur le quotidien, la matière vivante et contemporaine, avec des auteurs ou seul. Dans une pratique collective où chacun est dépositaire de l’œuvre et de son sens, Transquinquennal questionne « l’ici et le maintenant » du théâtre, le présent de la représentation et la multiplicité de ses formes, au travers de créations qui sont autant d’idées, de concepts, de défis lancés à eux-mêmes et aux spectateurs : jouer une pièce interactive où le comédien ignore chaque soir quelle version du spectacle il devra interpréter ; créer trois spectacles en trois semaines ; convaincre des acteurs à parler en leur propre nom.
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