C'est après la seconde Guerre mondiale que l'idée de théâtre-service public entre en application. Pendant les années 30, de jeunes hommes de théâtre parcouraient déjà la province - et pendant l'occupation ils continuaient parfois dans la clandestinité - se préparant à assumer la tâche ardue et exaltante de décentralisateurs : il y avait entre autres La compagnie des quinze de Michel Saint-Denis, Les comédiens routiers de Léon Chancerel ou encore la Compagnie des quatre saisons de Jean Dasté. C'est ainsi qu'est né le mouvement de décentralisation dont le but était d'amener le théâtre aux provinces, alors dénigrées par les institutions parisiennes, et par-là même de promouvoir la culture du peuple et de populariser la culture savante.
Jean Dasté a fait comme beaucoup d'autres. Il est venu un jour à Saint-Etienne, par hasard, le hasard d'une tournée des comédiens de Grenoble dont il faisait partie. C'était en 1946. Il s'y est installé.
En octobre 1947, le Centre Dramatique National est né et Jean Dasté en est le
directeur. A cette époque, l'équipe est constituée essentiellement de comédiens
(environ 10-12, sans équipe technique).
Dans les années 1960, l'activité devient plus intense et l'équipe se dote d'une
administration. On passe d'une logique de compagnie (les comédiens se chargent de toutes
les tâches : techniques, décors,...) à une logique d'entreprise de création.
En 1971, Jean Dasté décide de se retirer de l'institution. Pierre Vialprit sa succession, lui-même remplacé en 1975 par Guy Lauzin et Daniel Bénoin. Cette conjugalité obligée prit fin en 1978, date à laquelle Daniel Bénoin devenait, à trente ans, directeur à part entière. Il l'est toujours.
Sous son autorité, la Comédie est entrée dans une phase marquée par un
développement institutionnel, une assise plus large - et une nouvelle conception de
l'activité -"décentralisée".
Il était arrivé à Saint-Etienne après s'être fait remarquer à Paris où il avait
participé à l'aventure de l'Aquarium puis dirigé le théâtre Sorano à Vincennes.
Quelques mises en scène brillantes : "les Corbeaux" et "Deutsches
Requiem" en particulier, lui avaient valu l'attention de la presse puis du
ministère. Daniel Bénoin était arrivé à Saint-Etienne dans de tout autres
circonstances que Jean Dasté, il y est resté et son bail aura bientôt duré aussi
longtemps.
Les premiers temps de la Comédie, de 1947 à 1960, ont été marqués par un nomadisme devenu légendaire : le grenier de l'école des mines, les tréteaux, le cirque, les spectacles sur les places publiques. Aujourd'hui le Centre Dramatique National est solidement installé. Depuis 1970, la salle des mutilés du travail, baptisée, comme il se doit, salle Jean Dasté, a été entièrement rééquipée, les dépendances en ont été aménagées, deux salles de jauge différente (l'une en sous-sol, l'autre de construction récente à Andrézieux-Bouthéon) permettent de multiplier les expériences. Ces moyens sont mis au service d'une équipe de création permanente et d'une école de formation de comédiens professionnels. Chaque année, une dizaine de jeunes talents y mûrissent, après une sélection de plus en plus sévère. La place qu'ils trouvent et tiennent ensuite dans le "marché" du spectacle témoigne de la qualité d'une formation de grande qualité.
C'est dans une perspective associant implantation locale et dimension européenne que Daniel Bénoin engage la Comédie. A l'origine de la création de la Convention Théâtrale Européenne qui réunit seize pays, il organise depuis deux ans, grâce à l'aide du Conseil Général de la Loire, un forum du théâtre européen qui permet rencontres et concertations entre les plus grands responsables du théâtre du continent (pays de l'Est compris). Multipliant au delà des frontières ses propres interventions (mises en scène à Berlin, Bonn, Anvers...) et les tournées des créations de la Comédie il a réalisé deux mises en scènes bilingues (Woyzeck en français et néerlandais, Les troyennes en français et arabe).
Alors qu'il élargit ainsi le champ d'influence du centre, il semble revenir à une conception plus "populaire" (au sens que Vitez donnait à ce terme) du théâtre. Sans abandonner le répertoire le plus contemporain, il vient ou revient à Molière. Significativement, en lui le metteur en scène cède volontiers la place à l'auteur et à l'acteur ; il a écrit une pièce, Sigmaringen-France et a recommencé à jouer dans Oncle Vania, Quadrille, Oléanna, La jeune fille et la mort.
Les deux décennies du successeur, sinon de l'héritier de Jean Dasté, sont largement dignes des précédentes.
Jean-Claude Berutti et François Rancillac ont été nommés à la tête de la Comédie de Saint-Etienne depuis mi janvier 2002, par le ministère de la Culture.
7, avenue Emile Loubet 42000 Saint-Etienne