Cet humble et pittoresque concert de quartier existait déjà en 1850. C'était une salle de dimensions modestes (15 mètres sur 13), avec galerie, prise sur le volume initial de la Brasserie du Commerce, avec laquelle elle communiquait. Le directeur, à l'époque, s'appelait Guyon. L'immeuble appartenait à Jean-Pierre Pivert. Un jardin agrémentait les lieux (entre le théâtre et l'immeuble moderne voisin). L'été venu, on y consommait pendant les entractes. A Guyon succéda Renault.
En 1897, vint Verrier, un artiste comique, qui fit faire des travaux d'agrandissement. Le patron passait en vedette. En 1899, le jeune Maurice Chevalier, qui se rendait fréquemment, le dimanche en matinée, au Commerce, dit y avoir vu une femme qui affolait tous les hommes du quartier, Valdina. Grande, sculpturale, elle chantait ce qu'on appelait en ce temps " les gommeuses " . " (M.Chevalier, Ma route et mes chansons).
En février 1902, Maurice Chevalier, engagé sur la recommandation de Boucot, en supplément de programme, pour cinq francs par semaine y chanta : Les Filles de Pontoise ; En labourant, l'Ane à sonnette et V'là les croquants. La presse des concerts nous révèle cependant que le Commerce, après minuit, devenait le rendez-vous des artistes du faubourg, qui s'y retrouvaient dans la brasserie attenante, où l'on servait des soupes au fromage et des repas froids. En mai 1903, après six ans de direction, Verner céda son fauteuil à Armand Valade, auteur de plusieurs petites pièces de clôture représentées au Commerce. Le bail fut repris, en juin 1905, par Maubion. Deux ans plus tard, celui-ci, tout en conservant la propriété de l'établissement, en abandonna la direction au compositeur Georges Krier, qui, assisté de l'artiste Henrius à l'administration, rouvrit le Commerce le 22 août 1907.
En mars 1908, Krier s'associa avec Louis Dembreville, également chanteur. Pour la réouverture de septembre, Dembreville demeura seul directeur. Au cours de l'été 1910, il fit entièrement restaurer la salle (décor brossé par le peintre Gobelet), et la dota de l'électricité. Le 19 février 1914, Dembreville renonça au Commerce. Une société, ayant pour administrateur Charles Barock, assura la relève. Durant la période de la guerre, Barock fit créer sur sa scène une œuvre du poète Maurice Rostand, Neutrality (2 décembre 1916).
Jusqu'alors, l'établissement avait toujours réalisé d'assez bonnes recettes. Mais, dès 1918, l'influence du cinéma sur le concert porta ses coups au faubourg. Le 4 avril 1919, le Commerce, en difficulté, céda à cet engouement. On le cru sauvé lorsque, en 1921, l'artiste René Danvers le reprit au cinéma pour en faire le concert du Moineau, expérience malheureuse qui n'excéda pas un an. Il ferma en 1924 malgré la présence sur scène de Berthe Sylva.
L'ancien Concert du Commerce a réouvert ses portes au public en Novembre 1988 sous le nom du " Théâtre du Tambour Royal " , du nom du " Cabaret du Tambour Royal " qui réunissait, rue de l'Orillon toute proche, la fine fleur de l'aristocratie parisienne de la Régence. Promis à la transformation " en lofts " , Marthe Michel, comédienne, le sauva de ce sort indigne en en rachetant les murs en 1987. Ne subsistaient de l'ancienne salle, après plus de 60 ans d'abandon, que des fragments de fresques, quelques éléments de scènes, de régie et de sièges (trois d'entre eux ont encore leur place dans la salle).
La restauration du théâtre se fit sans aucune aide des pouvoirs publics, peu soucieux de sauver un lieu d'histoire, témoignage de ce qu'était Belleville pour les parisiens jusqu'à la grande guerre ou encore de ce qu'était cette salle pour l'un de nos plus grands chanteurs. Il fallut donc faire appel à des bonnes volontés qui furent nombreuses, notamment celle d'Alain Le Chatelier peintre de Belleville. Résultat : en novembre 1988 la salle s'ouvrit à nouveau au public et connut un succès immédiat avec Le Procès de Louis XVI dans le cadre du Bicentenaire de la Révolution.
Depuis, Marthe Michel, toujours sans soutien notable des pouvoirs publics mais avec l'appui des spectateurs (130 fauteuils restaurés grâce à une souscription en 1993) a fait de cette salle, l'une des plus anciennes de Paris, un lieu magique qui enchante les artistes et le public. A côté de grandes pièces comme Monsieur Chasse, Le Fil à la Patte de Feydeau, Cyrano de Bergerac, le Tambour Royal présente des œuvres lyriques : Cosi Fan Tutte, Les Noces de Figaro, Carmen ... et musicales (concerts).
L’opérette renouant avec la destination du Concert du Commerce, y a évidemment sa place La Vie Parisienne d’Offenbach triomphe à sa 75ème le 15 mars 2000, toujours sans subvention ! ...
En 2000 le Tambour Royal fêta son 150ème anniversaire.
D'après des extraits de : " Music Hall et café concert " André Salée, Philippe Chauveau. Préface de Raymond Devos (Bordas 1985). Et de " Ma route et mes chansons " ( Maurice Chevalier).
94, rue du Faubourg du Temple 75011 Paris