1 300 grammes, c’est une plongée dans le fonctionnement de notre cerveau : son développement, de la naissance à la mort, la circulation des pensées, l’organisation de notre mémoire, le parcours chimique du bonheur, du désir, de l’attachement, de la rupture...
Comment s’orchestre un organe qui porte la trace de tout ce que nous vivons ? La pièce suit le parcours de Camille qui, à 34 ans, s’immerge dans des recherches scientifiques pour écrire une pièce sur le cerveau. Débute alors une enquête entre rencontres décisives et témoins du passé, ponctuée par la conférence d’un célèbre neurologue qui l’emmène à la rencontre des coins cachés de son système cérébral. Une épopée scientifique qui donne à éprouver l’imbrication au sein de notre cerveau entre sensations, réflexions et émotions.
Le thème de notre nouvelle création s’est imposé suite à l’AVC d’un ami commun, contraint de subir une trépanation. En écoutant cet homme, en mesurant à quel point chaque perturbation de son système cérébral modifiait sa relation au monde (il ne sent le goût des aliments que quelques heures après les avoir mâchés), j’ai voulu écrire. Avec l’intuition qu’une partie de mon cerveau me cachait quelque chose.
J’ai lu. Des essais, des romans autobiographiques, des revues spécialisées, j’ai passé du temps à interviewer des spécialistes de l’institut du cerveau.Des passionnés qui m’ont permis de réaliser une chose essentielle : mon cerveau (tout comme ma mémoire) est plastique. Il bouge ! Moi qui l’imaginais figé, j’ai découvert un organe élastique qui se remodèle en permanence et dissimule souvent. Lorsque l’imagerie cérébrale m’a prouvé que la pensée traçait des chemins matériels dans nos circuits neuronaux, j’ai compris qu’un épisode de ma vie que j’avais par tous les moyens tenté d’ignorer continuait d’y errer : le suicide d’Antoine D.L., mon premier amour, avec la carabine de son père, dans la foulée de notre rupture. Il avait 13 ans.J’ai compris que j’avais mis en pratique une stratégie de nettoyage de la mémoire. L’ombre d’Antoine D.L. s’est mise à pousser. Il devenait urgent de faire le deuil de sa mort et de trouver un accord avec ma culpabilité.Le projet d’écriture a donc pris une tournure intime, et mon appétit d’éclairages scientifiques sur le fonctionnement de la mémoire, de la honte, du désir, de l’attachement, du cerveau adolescent, de la résilience, s’est transformé en une boulimie tentaculaire !
C’est la première fois que je risque un tel mélange avec la réalité.Il m’est vital de réparer mon adolescence, de laver ma honte en assumant tout. Je dois raconter à quel point les démarches poétique et scientifique, le travail collectif d’une compagnie, l’humour aussi, aident à faire face à l’inavouable. A travers ce parcours, j’espère que les spectateurs pourront apprécier la vertigineuse puissance de leurs capacités cognitives et émotionnelles, pour les mettre au service de leur bonheur.
Léonore Confino
Plateau nu. Camille, l’auteure, s’adresse au public pour raconter avec grand bonheur une histoire très triste. Parallèlement, Youri, neurologue, donne une conférence sur le thème « le bonheur est un sport ».Résonance, connexion : grâce au savoir de Youri, Camille va entrer en contact avec son propre cerveau et étudier son fonctionnement. Les spectateurs vont décoller du réalisme scientifique pour pénétrer l’intérieur de sa tête.
Welcome in your Fucking Brain !
Tout en prenant conscience que la pensée trace des chemins matériels dans nos circuits neuronaux, l’auteure comprend qu’un épisode douloureux de sa vie continue de hanter l’intérieur de sa tête : l’ombre d’Antoine DL se met à pousser.Nous sommes donc dans la tête de l’auteure et nous allons suivre son processus d’écriture. A l’antiquité, les orateurs se concentraient en imaginant un bâtiment, sorte de « maison» constituée de différentes pièces, loci, aux géométries et luminosités variées pour y déposer des objets, des personnes, constituant les éléments importants de leur discours. Une sorte de palais mental. Pour retrouver le chemin de leur pensée, ils se promenaient mentalement dans cette succession de loci. Les objets qui y étaient déposés fonctionnaient comme des révélateurs, des créateurs d’images. L’art de la mémoire est comme une écriture intérieure.
Notre scénographie part de cette mécanique : chaque espace / temps convoqué par Camille ou s’imposant à elle, sera signifié par la lumière ainsi qu’un élément du souvenir. Sur le plateau vide, apparaissent progressivement des structures légères, graphiques, modulables : escalier, néons, écrans de différentes matières, cadres métalliques, tables, chaises…
Derrière le neurologue en pleine conférence, sont projetées des images du cerveau, permettant de décrire et localiser les organes.Puis l’image envahit la totalité de la scène et de la salle, on pénètre l’intérieur du cerveau, nous ne sommes plus spectateurs de l’image mais englobés par elle.De fonctionnelle elle devient poétique.On pénètre dans l’infiniment grand de ce cerveau aux milliards de neurones, comme si l’humanité y était condensée.Nous étions au début dans des espaces réalistes qui deviennent espaces mentaux : tout se transforme, les personnages suivent leurs parcours en interférant avec une scénographie mouvante, qui bouscule les perspectives… le bruit du monde devient musique intérieure. Chaque comédien joue d’un instrument (violon, guitare électrique, saxophone, clavier, harmonica, batterie) et accompagne les mouvements du cerveau de Camille. Nous assistons au processus de création.
La batterie occupe un statut particulier : perçue du lointain derrière une porte, elle représente le fils muré dans son silence, mais aussi l’adolescent coincé en chacun de nous qui tambourine pour sortir de l’ombre (Antoine DL, le premier amour de Camille). Il est aussi notre pouls, le rythme de nos cœurs, le sang qui bat dans nos veines.Je voudrais qu’à travers ce voyage dans le cerveau, les spectateurs jouent avec nous le jeu de la fiction et du rêve, puissent s’émouvoir de la difficulté de la raison humaine à se frayer un chemin dans la réalité chaotique du monde.Notre compagnie, creuse son sillon de spectacle en spectacle pour agiter nos névroses ordinaires. Avec 1300 grammes, nous entrons plus profondément dans l’intime, nous explorons les « sillons » de nos fonctionnements neuronaux, en espérant que chacun puisse y découvrir quelque chose et se laisser convaincre que comme le dit l’auteur : « la bienveillance se muscle, la tolérance se muscle, le bonheur se muscle, Les capacités à mémoriser, s’intéresser, analyser, s’accepter, s’écouter, se calmer, se musclent physiquement par la pensée ».
Catherine Schaub
30, rue du Chevaleret 75013 Paris