Présentation
De seuil en seuil
Catherine Diverrès
Dans Mouvement n°11, janvier/mars 2001
Au milieu des années 80, quelques unes des premières pièces de Catherine Diverrès ont notoirement contribué aux partis pris artistiques du Théâtre de la Bastille. La "chorégraphe de lintranquillité" revient pour trois semaines avec sa dernière création, 4+1 (little song). Prise du trouble, incarnation du vertige, poids de la chute, violence du temps, mais aussi fulgurance de la vie, étincelle du jeu, jouissance de lintensité..., 4 + 1 (little song) attise les éclats dune cruauté ludique en partie liée au monde de lenfance. Pièce sur le fil du rasoir, où les élans sont coupés nets pour mieux rejaillir en échos, et dont la tension sétire lentement pour soudain, par effraction, se relâcher et jouer de son propre dérapage.
Catherine Diverrès ne renonce pas à traquer dans la brusque beauté du mouvement "les pulsions anonymes qui traversent lépoque". Dans une écriture au scalpel, elle confie à cinq interprètes acérés la maîtrise dun tourment où la gravité sait ne pas sappesantir en fatras psychologique. Un silence habité les conduit de seuil en seuil, dans une prégnante respiration que viennent défrayer, à point nommé, des bribes dune échauffourée, le vagissement dun nouveau-né, le saxophone en liberté dAlbert Ayler, et une chanson enfantine qui évoque "le ciel par-dessus les yeux".
Prise du trouble, incarnation du vertige, poids de la chute, violence du temps, mais
aussi fulgurance de la vie, étincelle du jeu, jouissance de lintensité...
4 + 1 (little song), la nouvelle création de Catherine Diverrès attise les éclats
dune cruauté ludique en partie liée au monde de lenfance. Pièce sur le fil
du rasoir, où les élans sont coupés net pour mieux rejaillir en échos, et dont la
tension sétire lentement pour soudain, par effraction, se relâcher et jouer de son
propre dérapage.
Si la théâtralité aiguë qui ciselait quelques-unes de ses dernières pièces (Corpus et Fruits) sallège ici de tout recours littéraire, cest pour mieux concentrer dans les corps la poésie dune énergie rebelle, mystérieuse et fascinante.
Catherine Diverrès ne renonce pas à traquer dans la brusque beauté du mouvement les pulsions anonymes qui traversent lépoque. Dans une écriture au scalpel, elle confie ici à cinq interprètes acérés (Carole Gomes, Osman Kassen Khelili, Nam-Jin Kim, Isabelle Kürzi, Fabrice Lambert) la maîtrise dun tourment où la gravité sait ne pas sappesantir en fatras psychologique. Un silence habité les conduit de seuil en seuil, dans une prégnante respiration que viennent défrayer, à point nommé, des bribes dune échauffourée, le vagissement dun nouveau-né, le saxophone en liberté dAlbert Ayler, et une chanson enfantine qui évoque le ciel par-dessus les yeux.
Jean-Marc Adolphe
Catherine Diverrès Dans Mouvement n°11, janvier/mars 2001
Dans 4 + 1, la question de lenfance est périphérique, cest quelque chose qui est arrivé très tard, et cela ne forme ni la texture, ni la teneur de la pièce. On est parti dun livre de Roger Caillois, Des jeux et des hommes. Ce rapport à lenfance aurait plus à voir avec la lecture dun livre de Paul Klee écrit dans les années quatre-vingt, Théorie de lart moderne, et qui éclaire la démarche que jai eue dans 4 + 1. Picasso disait quil fallait des années pour arriver à dessiner comme un enfant. Cette question du dessin purement formel, sans tomber dans quelque chose de minimaliste et de formaliste, en posant à partir de cette idée du jeu les questions du théâtre et de la représentation. Comment peut-on être un acteur, aller sur un plateau, si on nest pas très proche de la peur que lon a quand on samuse avec des ombres chinoises, et des dimensions qui basculent, etc. Et comment organiser cela ? Avec un matériel pauvre et naïf, il faut rester concis, presque étroit, garder un fil... Ce qui compte dans une uvre, cest lunité qui sen dégage, malgré le conflit, les frictions et la multiplicité.
(...) Comment essayer ensuite de danser comme un enfant (cest le plus difficile pour un danseur), cest-à-dire sans projeter un jeu dramatique ? 4 + 1 est une pièce sur laquelle on a passé des heures et des heures dimprovisation pour essayer de travailler avec une intuition énorme, sans amener un fatras dimages et de sens, mais exclusivement sur lécoute. Comment agir ensemble sans que personne nanticipe ou ne donne une impulsion ? On a passé beaucoup de temps sur des choses quon a pratiquement pas gardées, mais du coup les espaces et les temps sont en permanence sur le fil de cette écoute.
(...) Et puis la collaboration avec Laurent Peduzzi, scénographe de 4 + 1, est extrêmement importante. Dans 4 + 1, cette idée dune salle de bal avec un plancher - et non un tapis de danse, lorganicité de cet espace qui pourrait être une salle fermée depuis longtemps, et qui inclut le public, en fait un lieu circonscrit. On ne peut pas partir dans la verticalité de lespace mental, il y a une concrétude qui compte pour beaucoup dans le jeu entre les danseurs et cette complicité sur lécoute qui rend la chose vivante... Ce nest pas le danseur au service dune pensée quelle soit poétique ou politique, mais une chose qui se déroule entre eux, qui a avoir avec la façon dont les gens travaillent la danse, comment ils vont lhabiter, jusquoù va leur force, juquoù va leur investissement. Pour citer Laurent Peduzzi, la scénographie appelle un regard qui nest pas celui de la contemplation. En un sens, lespace scénographique se rapproche de larchitecture : ce nest pas un objet, cest habité, cest vivant. Et cest le vivant qui est intéressant.
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