Parce qu'elle a commis le crime de rejoindre celui qui la séduisait plutôt que celui qui lui était destiné, une jeune fille doit être lapidée... Son amoureux entreprend de la sauver.
Malgré cette trame et le tragique de son propos, on est ici dans le domaine de la farce, du quiproquo, du déguisement, du travestissement, des conversations surprises à l'insu des intéressés, des apartés destinés au public... Les frères ennemis deviennent amants et s'allient pour avoir raison des aînés qui abandonnent leurs principes moraux au seuil de la maison familiale... On joue des mots et sur les mots. On se joue du père qui n'a de vertu que pour sa fille. On rit, on se moque, des uns et des autres. Et la farce l'emporte... et nous emporte.
Dès lors, qu'importe les lieux et les temps. Dès lors, on est loin de se soucier de la couleur de la peau. Akakpo noir... acteurs blancs !
Par la Compagnie l'Antre du monstre.
Gustave Akakpo est né au Togo et, dans ses livres, il nous parle… du Togo mais aussi de la Syrie ou de Tulle en Corrèze. Comme le Père Ubu parle de la Pologne, comme on parle du monde quand on en est citoyen inscrit dans son Histoire et dans ses géographies.
« A défaut de crier j’écris » dit-il et il a privilégié la scène pour se faire entendre. Le théâtre, il en connaît la coulisse et les coins d’ombre. Il le fréquente avec gourmandise. Il y convoque les fantômes du mythe, la terre des pères, la route des exils. Il imagine le procès de l’Afrique, évoque une lapidation, dénonce le père indigne, se moque des puissants, offre sa revanche à une mère-enfant.
Il s’arqueboute au creux de la légende, s’immisce au plus près du quotidien. Il transe avec les fous. Il copine avec les clandestins, les prostituées, les chefs de gang. C’est un « ruminant farceur » qui brave les enclos. Un poète ludion qui doit se jouer des embûches des administrations. Un funambule débonnaire sur le fil du mélo. Un faux naïf, un vrai malin. Un Akakpoquelin sans le savoir. Un Scapin de Lomé, un Sganarelle des faubourgs, un Leuk le lièvre échappé de son gîte.
Il a le verbe moqueur, l’insolence à fleur de mots. Il a l’audace des timides, la retenue des audacieux. Il est le bon élève couvert de prix qui nous tire son irrévérence. Un bon mot, une pirouette, un clin d’oeil… il fait le Gustave. On le croit à cour, il est à jardin. Il change de tête et se métamorphose sans cesser d’être lui-même. Il est lui, avec un sourire à désarmer un régiment d’amazones, à déstabiliser les gros durs qu’il s’en va voir dans le fin fond de leur ennui. Il va à la rencontre de tous, avec la même envie. L’air de rien, l’air de tout. « A défaut de crier j’écris »… et il arrive que ces mots s’entendent fort loin.
Bernard Magnier
Cette langue n’est pas la nôtre, ces traditions ne sont pas les nôtres, mais devons-nous rester silencieux et inactifs devant de telles réalités ?
En s’aidant du travail du masque de la comédia del Arte, nous pensons qu’il y a une solution dans cette « méthode » pour marquer la distance entre les interprètes et leurs figures incarnées. Les masques ne seront utilisés que pour les protagonistes qui participent à enrailler l’existence quelconque de liberté, et plus précisément dans ce texte, la liberté personnelle de pouvoir assumer son désir. Comme dans la tradition, les deux « jeunes premiers » seront non masqués.
Tout se fera et défera à vue. Nous vous racontons cette histoire. À ce moment précis. Avec vous. S’obliger à avoir une contrainte de décor. Pour appuyer cette notion source de ce temps dramaturgique « ici et maintenant ». Aussi pour se donner la permission de le représenter n’importe où. Aller dans le sens du théâtre de tréteaux. Par ailleurs, il se rapproche de celui de Molière. S’appuyer sur des moyens les plus simples possible, pour à la fois passer d’un espace signifiant l’isolement à un espace signifiant le contraire. Ce n’est pas un théâtre d’objets. Mais donner l’impression d’un théâtre de bouts de ficelles et de cartons.
Donner l’illusion d’utiliser les « moyens du bord » pour faire du théâtre. Afin de préserver une place majeure à l’acteur. C’est lui qui prend en charge de dire ces mots-là sur une scène. Il défend ce propos et l’interroge, questionne le théâtre et donne à entendre un autre regard sur le monde.
Deux espaces. Un espace de parole et un espace de regard sur cette parole. Non pas une condescendance ni même une complaisance, mais signifier avec honnêteté, qu’il est question de figures, de représentation d’existence différente de l’être, de masques et de théâtre.
Thomas Matalou
« Nous entrainant dans un tourbillon de rires et de réflexions, les comédiens nous communiquent leur plaisir à jouer ensemble. » Guy Flattot, Studio théâtre - France Inter, 10 octobre 2008
« Malgré cette histoire tragique, la pièce s'inscrit dans le domaine de la farce. Le public rit des quiproquos, des travestissements et apartés destinés au public. Le spectateur s'amuse, s'émeut et s'indigne. Un message fort et optimiste. » E.B., Froggy's delight,12 octobre 2008
« Cette petite troupe, bourrée de talents et d'énergie [...], signe un spectacle à la mise en scène ingénieuse. Ces comédiens maîtrisent à la perfection le très beau texte d'Akakpo aux expressions fleuries, au verbe cru, incrusté de proverbes traditionnels, d'une grande poésie. » Olivier Pradel, Les Trois Coups, 11 octobre 2008
Parc de la Villette 75019 Paris