El Djoudour, mot qui signifie les racines, est d’abord le cahier d’un retour au pays natal.
Né et formé en France, chorégraphe contemporain ouvert à tous les styles, Abou Lagraa a souhaité revenir aux sources de son parcours intime, dans cette terre d’Algérie dont est originaire sa famille. Il y a retrouvé une culture arabomusulmane basée sur l’entraide, la générosité, et des rituels de vie où le corps, objet de désir, de sacralisation ou de rejet, est omniprésent.
De ses retrouvailles avec une civilisation qui l’a nourri, il a créé cette pièce traversée d’émotions et accompagnée de chants sacrés, choisie pour ouvrir les manifestations de Marseille Provence 2013.
Après Nya en 2010, récompensé par le Grand Prix de la critique, voici une pierre de plus apportée à l’édification de ce pont culturel méditerranéen franco-algérien auquel Abou Lagraa se consacre depuis 2010.
C’est aussi, pour cet artiste entre deux rives, l’occasion de s’interroger sur la place de l’individu et son désir de liberté, au sein de sociétés de plus en plus métissées.
Ancrées dans le passé, mais tournées vers le futur.
Autant qu’une étape artistique, cette création est une véritable étape de vie. En effet en 2008, à l’initiative de Nawal Aït Benalla-Lagraa, je pars pour l’Algérie tenter d’y retrouver mes racines, mon passé. Comme une évidence, nous décidons d’y travailler, de s’y investir en concevant « le Pont Culturel Méditerranéen franco-algérien ». De la rencontre avec les danseurs du Ballet Contemporain d’Alger, du travail aussitôt engagé avec eux (qui trouvera son aboutissement avec la création de Nya), de cette (re) découverte du quotidien, dans ce pays où il y a tant à faire, de tout cela je ne pouvais sortir indemne, moi si semblable, et finalement si différent. Je ne pouvais occulter le même sentiment de différence ressenti parfois au sein de la société occidentale et sa confusion entre le culturel et le cultuel. Je ne veux ni ne peux occulter aussi, la place du corps dans la culture musulmane. Objet de désir, adulé, soigné, mutilé, sacrifié, il reste au coeur de l’expression de la société musulmane. Abondamment cité par le Coran, il est en fait le lieu privilégié d’une inscription sociale sacralisée.
Danseur chorégraphe occidental, français, maghrébin, je veux centrer cette création sur ma propre perception de ma culture musulmane dans toute sa dimension originelle de générosité, de partage et de fraternité. Je parle de traditions, de coutumes, de rituels, de culture arabo-musulmane et non pas de religion, même si l’Islam a fondamentalement influencé la culture arabe. Je parle de l’eau, source de vie et instrument de purification, de la terre qui nourrit nos racines du début jusqu’à la fin de nos vies…
Cette création me tient énormément à coeur, car elle rejoint une quête aussi spirituelle qu’artistique, sans cesse poursuivie. Je veux poser un regard sur la place de l’individu dans le groupe, sa liberté, son indépendance, dans le respect des sociétés métissées d’aujourd’hui. Plus spécifiquement, la place des hommes, des femmes et de leurs corps, ce corps universel et nomade. Et ma danse sera celle que j’aime, celle de l’émotion juste, de la poésie rythmée par les accents troublants de la musique subtile d’Olivier Innocenti, ponctuée par les chants sacrés de l’Algérienne Houria Aïchi.
Abou Lagraa
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux