La saison dernière, nous découvrions avec disperse et downfall, ce qui est au cœur de l'univers chorégraphique d'Alban Richard : la répétition d'un motif et son altération. Avec les mêmes danseurs, les mêmes complices, Valérie Sigward pour la lumière et Laurent Perrier pour la musique, il nous propose une nouvelle étude sur la variation.
Au départ du travail, chacun des danseurs a reçu un film composé, entre autres, d'extraits d'œuvres cinématographiques montrant un corps en panique, en malaise : partition qui n'était faite que pour être bouleversée.
Ce qui intéresse Alban Richard c'est « la mise en scène de dégradations, de hasards, de variations imprévisibles, de mutations brusques ». Le motif est donc repris sans cesse avec des variations qui en creusent le sens. Le retour programmé de la séquence, ressemblant à la précédente et pourtant différente, va nous tenir en haleine.
Mouvements, paroxysmes des visages, champs de batailles, constellations d'actions et de rythmes surgissent sur scène... Les cinq danseurs semblent hantés par d'autres corps. D'abord nus et en pleine lumière, poussant les mêmes gestes jusqu'à l'extrême, subissant l'espace, ils tentent d'endurer les modifications mais déjà leurs contours s'effacent, leurs silhouettes s'annulent...
as far as est une pièce vénéneuse, troublante, Alban Richard met le spectateur dans une situation d'attente très particulière, celle d'une décomposition et recomposition constante du même motif, celle d'une déroutante fascination.
Alban Richard soumet la scène à des procédures minutées – montant, démontant, piégeant tout ce qui pourrait fonder un équilibre. « Ce qui m’intéresse, dans as far as, c’est comment se perdre dans un temps à la fois séquencé et évanescent... une sorte d’ellipse temporelle renouvelée... » explique-t-il.
Une séquence - élaborée à partir d’extraits de films montrant un corps en panique, où les protagonistes réagissent à des émotions fortes, à des mouvements de fuite, d’évanouissement - est distillée dans l’espace. Dans un double mouvement de tension, les corps - soumis au retour programmé, irrémédiable de cette séquence minutée - sont engagés dans une lutte pour durer, tandis que le thème tente avec acharnement d’endurer les transformations. Il est progressivement usé, saboté, piraté, comme une cellule qui dégénère...
Les cinq interprètes sont tramés dans ce tissu chorégraphique qui se modifie et les modifie, leurs contours s’annulent, les silhouettes s’effacent à mesure que l’intensité augmente.
Mouvements, paroxysmes des visages, champs de batailles, constellations d’actions et de rythmes surgissent sur la scène - comme une toile mouvante où les motifs se développent, se transforment, disparaissent. La bombe temporelle à retardement qui se construit soumet les corps à un déséquilibre constant qui les « pousse tout à coup jusqu’aux gestes les plus extrêmes » (Artaud).
On ne sait pas quelle identité se dérobe derrière eux : hantés par d’autres corps, subissant l’espace, la lumière, le son, ils cherchent à l’intérieur de la structure à devenir spectres - des spectres dynamiques, affectés, as far as, aussi loin que possible...
Gilles Amalvi
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