Ash est metteur en scène, Margot est comédienne. Ils se rencontrent, s'aiment, vivent ensemble, se quittent. Un soir, un mois, un an, sept ans. Il est renommé, elle est anonyme. Il en revient, elle débute. Il abandonne, elle perce. Elle en veut, il n'en peut plus. Il coule, elle est célèbre.
Ce couple qu'un même désir de théâtre rassemble, puis sépare, est aussi le théâtre - corps à corps, tête-à-tête, duo, duel... - des malentendus ordinaires qui font barre aux desseins amoureux : l'incernable désir, le fantasme ineffable, le projet indicible, l'impossible fusion.
Mais le ratage ne gomme jamais complètement la trace de nos espérances. Si même nous ne quittons le plus souvent notre esseulement que pour une solitude à deux, notre quête obstinée laisse deviner, contre toute raison, et jusque dans l'échec, que nous pousse inlassablement vers l'autre le rêve de l'âme soeur.
Une même sorte d'élan, un même mystère, pousse également des êtres vers la scène. Un rêve, certainement, préside au désir de théâtre, une façon d'utopie. L'acteur, à l'instar d'un rêveur s'efforçant de gouverner ses rêves, est pour une large part condamné à l'échec, au malentendu.
Que reste-t-il de nos amours ? Ce qui reste du théâtre après que le dernier spectateur ait quitté la salle : comme la promesse d'une révélation une fois de plus reportée. »
Enzo Cormann
« L'interprétation de David Bayel est assez surprenante, il incarne avec justesse ce personnage. Face à lui Angélique Meyns incarne une Margot frêle et sensible au début de la pièce qui se fera une place face au personnage masculin en nous dévoilant l'étendue de son talent. Un face à face maitrisé et réussi par les deux comédiens. Ils nous offrent un duel à fleurs de peaux d'une grande puissance. (...) Une pièce émouvante qui parle d'amour et de passion. Un beau moment théâtral. » Paris tribu, septembre 2016
« Ash et Margot se déplacent sous nos yeux dans un étonnant ballet, rythmé essentiellement par la vitesse de leurs échanges dans une pièce qui dit avec lucidité les tracas des deux amoureux d’aujourd’hui broyés par la vie. Deux comédiens touchants dont la présence, alliée au texte d’Enzo Cormann, confère à Ames soeurs une grande intensité et la beauté mystérieuse d’un trésor caché. » Nicolas Arnstam, Froggy's Delight, septembre 2016
« Âmes soeurs nous a secoués, nous avons secoué Ames Soeurs dans tous les « sens ». D’une part ce texte en est si riche que mon travail a justement été d’ouvrir, d’ouvrir encore, d’ouvrir sans cesse, de déplier à l’infini tous les champs de significations possibles et d’autre part c’est bien à partir des « sens » exacerbés des acteurs que nous avons procédé à cette patiente élaboration du spectacle. Labeur qui tenait à la fois autant du travail de terrassier par son engagement physique que de la minutie de l’archéologue par l’attention constante qu’il nécessite. Ce texte est écrit avec de la chair et du sang, il palpite, c’est cela que j’ai demandé à mes acteurs de palpiter comme un coeur, de trouver en eux, à deux, la constante vibration de ce texte qui va bien au-delà de la simple histoire d’amour. Et David et Angelique n’ont jamais dit non, cette intensité ils l’ont trouvée.
Enzo Cormann nous convie à un festin, celui des âmes et des corps mais ce sont les protagonistes qui de trop s’aimer s’entredévorent. Et il nomme dès le premier acte ce qui malgré l’apparente fusion des débuts minera l’histoire jusqu’à la déflagration finale : Tout de moi et rien de l’autre. L’égoïsme, donc. Le désir puissant de ne faire plus qu’un (acte deux : « deux font un » dit Ash) va se briser sur l’ironie de la vie qui fera de Margot une star et de Ash un écrivain raté et amer, désespéré, alors qu’il est l’architecte de sa renommée à elle. L’injustice, donc.
J’ai voulu donner à la musique une place importante : Elle renforce l’ambiance des films noirs qui me semble à l’oeuvre au début du spectacle, elle souligne parfois l’émotion violente d’un des personnages, elle joue avec eux et permet des respirations lors des enchaînements.
Le décor est évocateur, il ne doit pas enfermer l’imaginaire des spectateurs. Certains indices laissent à penser que du début à la fin la pièce est peut-être en train de s’écrire et que nous sommes dans la tête de Ash (alias Enzo Cormann ?). L’espace scénique est un terrain de jeu et un champ de bataille, il ne doit pas être encombré mais permettre au public de situer l’espace de départ (bar, chambre, loge) et aux acteurs d’être libres de leurs mouvements et de leurs inventions. Les costumes évoluent avec la situation sociale des personnages, ils en sont l’indicateur (petite robe du soir bon marché pour Margot au 1er acte et vêtements sobres mais très classes au dernier, costume un peu négligé mais en réalité coûteux pour Ash dans le 1er acte et chemise élimée au dernier).
Nous utiliserons plusieurs fois des images projetées, elles représentent le passé que les personnages revisitent ou bien encore la possibilité de Skyper. Ash et Margot sont bien des héros d’aujourd’hui (de ce point de vue Cormann est sans doute visionnaire). »
Claude Viala
7 rue Véron 75018 Paris