Le comédien - comme tout artiste - a-t-il un atelier pour répéter et exercer son art ? Si oui, sous quelle forme se présente-t-il et comment le comédien y occupe-t-il ses journées ? Le comédien est-il lui-même son propre atelier ? Et peut-on dire qu’il est, en tant qu’« objet regardé », une oeuvre d’art vivante ?
Ce sont ces questions que soulève le spectacle Atelier, dernière « polyproduction » des compagnies tg STAN, de KOE et Maatschappij Discordia, qui nous fait pénétrer dans leur intimité, grâce à une installation instable faite de bric et de broc se construisant petit à petit sous nos yeux.
Sans un mot, les trois comédiens apportent un éclairage sur leur travail quotidien, sur leur statut de comédien, sur ce qui fait théâtre, sur l’Art aussi... dans un spectacle burlesque qui promet du rire, de la fantaisie, mais aussi beaucoup de poésie.
Maxime Bodin
Né des soirées théâtrales de l’association de répertoire belgo-néerlandaise « De Vere » (une collaboration entre Discordia, tg STAN et Dito’Dito), organisées dans les années 90, De Schrijver De Koning, d’après et sur des textes de Karl Valentin, était la toute première polycoproductions ; elle réunissait Matthias De Koning et Damiaan De Schrijver. Plusieurs autres polycoproductions ont suivi depuis, également en collaboration avec de KOE et Dood Paard : My Dinner with André (1998-2005), Du serment de l’écrivain du roi et de Diderot (2001-2003), Onomatopée (2006-2014), We Hebben een/het boek (niet) gelezen (2008) et Beroemden (2012).
Au printemps 2017, Matthias De Koning, Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede présentent Atelier. Ayant repris l’examen du métier d’acteur dans Du serment de l’écrivain du roi et de Diderot, ils poursuivent leurs recherches dans Atelier. Les créateurs de théâtre disposent-ils d’un atelier - tout comme les sculpteurs et les peintres - et, si oui, à quoi ressemble-t-il ? Qu’y font-ils comme travail, où, comment, quand et pourquoi travaillent-ils ? Est-ce du travail ? Comment caractèrise-t-on les personnages ?
Que faut-il accentuer ? Sommes-nous un tableau ? Sommes-nous notre propre modèle et celui des autres ? Sommes-nous un autoportrait ? Regarder et être observé ; l’histoire, l’art, la vie en tant que cadres, châssis, encadrements des expressions sur la toile de notre peau. Reconstituer les quatrièmes « murs » dans un dispositif bifrontal ou quadrifrontal, avant de les démolir de nouveau ? Un examen en laboratoire du naturalisme, du réalisme, de l’hyperréalisme.
De grandes fenêtres jetant la froide lumière d’octobre sur nos mouvements de l’âme. Emballer de l’air. On rabote des planches. On mange des pommes de terre. On prépare des moules. On pisse côté de l’urinoir. On écrit une lettre d’adieu. (désignation d’office) on enlève un appendice. On est assis. On sonne. Une porte. Un entrebâillement. Une tâche. Un radeau. Noir d’enfer. Un radeau.
L’atelier est un atelier universel
nous prenons le thé les uns chez les autres
nous réfléchissons à l’atelier
nous y pensons allongés assis debout
il n’y a pas encore de pièce
il n’y a pas de pièce
nous devons le montrer à chaque fois
pourquoi le faisons-nous
nous voulons montrer qu’il n’y a rien à voir
voilà tout ce que nous faisons
nous n’avons pas de pièce
nous avons un atelier
nous n’avons pas d’atelier
une anacrouse qui n’aboutit à rien
à ce que nous sommes
à nous-mêmes en tant qu’acteur possible
sur un mode encore plus dépouillé
à la fin nous trinquons
nous trinquons les uns aux autres
au spectacle qui n’existe pas
il n’est pas hermétique et pourtant il est hermétique
nous nous ouvrons au regard
Place du théâtre (quartier de la Mairie) 94130 Nogent-sur-Marne
Voiture : Autoroute A4, au niveau de la Porte de Bercy en venant de Paris, prendre la sortie n° 5 “Nogent-sur-Marne”, rester sur la voie de gauche.