Dialogue entre un père et un fils
Une source d'avenir
Jacques Audiberti, repères
Une étape dans une longue histoire
Eclats d'Audiberti
Dialogue entre un père et un fils librement inspiré de l’oeuvre de Jacques Audiberti.
« L’homme et la femme font l’amour. Ils composent ainsi, plus ou moins brusque, plus ou moins raffiné, leur paradis. En outre, bien souvent, ils engendrent quelque enfant… »
Un homme en manteau d’hiver, feutre sombre, lunettes noires, dit ces mots. Ou plutôt les relit, car il est écrivain et corrige un manuscrit. Il ressemble un peu à Audiberti. Apparaît un jeune homme vêtu de blanc, pieds nus, un livre à la main. On entend une chanson italienne, un tube des années 60 qui fait rêver de soleil, de Méditerranée…
Ainsi s’ouvre Audiberti & fils, dialogue entre un père et un fils librement inspiré de l’oeuvre de Jacques Audiberti.
Ce spectacle est construit sur une double filiation : celle, spirituelle, qui lie Marcel Maréchal à Jacques Audiberti ; celle, charnelle, qui unit les deux acteurs. De l’enfance timide et rêveuse à l’instant où le fils devenu homme prend par la main son père et, à son tour, le guide, c’est une histoire dans laquelle chacun peut se reconnaître.
Mais au-delà, Audiberti & fils est l’exploration émerveillée d’un continent littéraire trop mal connu : l’Audiberti. Poèmes, extraits de théâtre, de romans, d’interviews et d’essais tissent les grands thèmes de l’oeuvre autour d’une scène centrale : l’entretien imaginaire que Jacques Audiberti accorde à un jeune journaliste auquel il confie sa croyance têtue, malgré ses doutes, en la force tellurique des poètes, ceux du moins qui, comme Artaud, sont capables de faire craquer la prison de chair et d’esprit dans laquelle se débat l’homme.
François Bourgeat
Audiberti & fils a été composé principalement à partir des oeuvres suivantes : Monorail, Les femmes du boeuf, Marie Dubois, Le victorieux, Ange aux entrailles, Race des hommes, Des tonnes de semence, Les médecins ne sont pas des plombiers, L'empire et la trappe, Cavalier seul, Dimanche m'attend.
Le texte intégral de la pièce a été publié dans la revue L'Atelier du théâtre, Flammarion. L'ensemble de l'oeuvre d'Audiberti est édité chez Gallimard.
"Quel avenir ? Quel progrès ? Parlons plutôt de bifurquer." J.A.
Faire entendre en 2006 la parole exigeante et vivante de Jacques Audiberti, ce géant qui fut à la fois poète, romancier, dramaturge, essayiste, scénariste, critique de cinéma, peintre et dont le nom est intimement lié à mon aventure théâtrale, ce n’est pas, pour François Bourgeat et moi, regarder dans le rétroviseur du siècle précédent. Au contraire ! C’est aller vers l’inconnu et découvrir à chaque pas l’inattendu. C’est puiser de la force, de la beauté et du sens à une source d’avenir, joyeusement tumultueuse et inépuisable.
Notre temps de grisaille communicante a besoin d’écrivains de la carrure d’Audiberti - de ceux qui réinventent le langage et travaillent la parole au corps, ceux qui, comme le dit si justement Novarina, savent « ouvrir les mots comme des fruits. »
Marcel Maréchal
"J'en ai plein l'oeuf de commenter l'ovaire et le furoncle et tout ce qui s'ensuit. Je veux pomper du vin dans un grand verre et m'évader de l'asile de nuit." J.A.
Jacques Audiberti est né à Antibes en 1899. Fils de maître maçon, il passe son enfance et fait ses études dans le petit port méditerranéen. Il publie ses premiers articles au Journal, puis au Petit Parisien où il tient d’abord la rubrique des « chiens écrasés ». Il peint, fréquente les milieux littéraires et commence à écrire des poèmes.
Son premier recueil, L’Empire et la trappe est publié en 1929-1930. En 1936, on lui confie des enquêtes sur la guerre d’Espagne. Abraxas, son premier roman, date de 1938. Poésies et romans alternent alors à un rythme rapide. Il aborde le théâtre en 1946 avec Quoat-Quoat. Il écrit aussi le scénario du film La Poupée en 1962 (réal. Jacques Baratier) et collabore aux Cahiers du Cinéma. En 1964, il reçoit le Grand Prix National des Lettres pour l’ensemble de son oeuvre. Il meurt à Paris en 1965.
Depuis des années, Marcel Maréchal s’est mis au service d’un poète auquel il est fidèle encore aujourd’hui. Audiberti & fils s’inscrit dans l’histoire de cette « amitié spirituelle » dont les débuts remontent à 1961. Cette année-là, Marcel Maréchal crée Les Femmes du boeuf dans son petit théâtre de la rue des Marronniers, à Lyon.
En 1963, coup de tonnerre : la création de Cavalier seul, grande pièce prophétique sur l’affrontement entre l’Orient et l’Occident. Événement fondateur. « Lyon fait honte à Paris en créant le chef-d’oeuvre d’Audiberti », écrit alors le critique Gilles Sandier. Dix ans plus tard, Cavalier seul passera d’une salle de 90 places à la cour d’honneur du Palais des Papes, puis tournera en Russie, avant d’être repris en 1983 au Théâtre National de Marseille (La Criée) et joué en Amérique du Sud.
En 1965, création de L’Opéra du monde, avec Emmanuelle Riva. Paris d’abord, puis Lyon avec Catherine Arditi et Pierre Arditi qui fait là ses débuts. En 1968, toujours à Lyon, Marcel Maréchal inaugure sa direction du Théâtre du Huitième (1100 places) avec La Poupée en donnant le rôle-titre à Rita Renoir, la reine du strip-tease ! Les drapeaux rouges envahissent la scène. Scandale. Mai 68 n’est pas loin… Pour la deuxième fois (et la dernière, hélas !) Audiberti aura les honneurs du festival d’Avignon puisque La Poupée sera jouée à son tour dans la cour d’honneur du Palais des Papes en 1975, avec Francine Bergé.
En 1980, c’est la création d’Opéra parlé, au Théâtre National de Marseille (Gymnase) et, en 1996, Quoat-Quoat, au Théâtre du Rond-Point. Autant de créations qui ont étayé la vie du directeur des Tréteaux de France et qui, pour une part, lui ont donné son sens.
« Audiberti parlait comme il écrivait. Il y a dans son cas une certaine façon de vivre le corps, qui est exactement celle que je ressens. Et une façon de se voir. Une façon de se voir comme à travers les miroirs qui est proprement audibertienne, qui est aussi la mienne. C’est pourquoi j’ai pénétré cet univers totalement, comme un fils de cet univers. » Marcel Maréchal
« La ressemblance de Marcel Maréchal avec lui-même impressionnait beaucoup Audiberti. Il accueillait ce double chez lui non sans une secrète inquiétude, et il dut penser à lui lorsqu’il commença à écrire cette pièce (inachevée je crois) sur Trotsky. » Jacques Baratier
« La langue d’Audiberti : une liberté extravagante ! Une langue sans équivalent ! D’où vient une pareille langue ? J’ose une hypothèse : du passé, du présent, de l’avenir. Elle fourmille de mots inventés. Elle est constellée d’anachronismes. Tout cède à l’image, à la rapidité, au feu. Langue de feu, oui, la langue d’Audiberti !… C’est un Claudel qui surpasse Claudel dans la bouffonnerie shakespearienne. L’homme de Claudel mène à Dieu, les Dieux d’Audiberti mènent à l’homme. » Pierre Bourgeade
« Chaque fois que, tournant un film, l’occasion m’est donnée de montrer plusieurs comportements masculins à l’égard des femmes, je demande à l’un de mes acteurs de s’imprégner d’Audiberti pour qui les femmes étaient magiques. » François Truffaut
« Il me disait qu’il était venu sur terre pour enquêter afin d’ajouter son reportage aux dossiers de Dieu. Il était une sorte d’inspecteur Maigret qui venait sur la terre, mais qui n’appartenait pas à la bande à Bonnot de l’homme, qui était épouvanté par l’homme, par sa face grimaçante de bourreau éternel de lui-même et des autres, par toutes ses empreintes digitales pleines de sang, de peur, d’Auschwitz… » Claude Nougaro
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