Ce projet est le fruit d’une réflexion sur la représentation au théâtre, et de ma passion pour la photographie. Il est également un questionnement sur la place de l’individu, sur son enfermement dans une identité unique et moyenne, sur le nivellement des personnalités par le développement des médias de masse, dont la fonction principale est de favoriser la société de consommation. Je cherche à réfléchir sur ce qui pousse l’individu à s’asservir lui-même à une identité défnie, reconnaissable, et les troubles de la personnalité qu’un tel quadrillage implique. Ce questionnement ne peut s’extraire des progrès techniques que nous vivons ces dernières années, et qui sont particulières à ma génération et à celles qui viennent après moi, comme elle ne peut s’extraire des gestes qui ont influencé l’histoire de l’art. Artistiquement, il m’importe également de ne pas partir d’un texte préalable et de son adaptation pour le plateau, mais de partir de photographies ; que l’écriture soit en premier lieu celle du plateau.
Il me semble important que les acteurs jouent avec la notion de technique, de dispositif : que leur image, leur performance puisse passer à travers le prisme de l’appareil, qu’il soit photographique ou vidéo. Les contraintes qui régiront les parcours des acteurs seront en premier lieu spatiales.Je souhaite utiliser les possibilités de la vidéo dans la veine de ce que fait Peter Greenaway : des cadres qui apparaissent comme des vignettes sur l’écran de télévision, qui viennent pointer, dé-contextualiser un détail de ce qui se passe sur le plateau, le mettre en exergue. La vidéo peut nous permettre de mettre l’image fixe en mouvement, ou de jouer sur sa temporalité.L’image servira de miroir grâce à des dispositifs en temps réel. Des visages, filmés de manière très neutre, dans l’inspiration du travail de Valérie Mréjen, pourront venir s’intégrer dans les performances des acteurs ou dans les descriptions de photographies. L’espace se présente comme une page blanche : le plateau et le mur du fond sont recouverts de bâches blanches. Cet espace est d’abord mental, celui de l’écrivain, le papier sur lequel la photo se révèlera, la chambre claire que nomme Roland Barthes. Il est aussi l’espace de l’art contemporain (musées) par opposition à la «boîte noire» du théâtre. Les mouvements des corps viendront impressionner l’espace, le marquer, le salir, imprimer leurs gestes, leurs paroles, opérer sa transformation. Les accessoires viendront se poser dans ce « cadre » selon les besoins des acteurs. La dynamique visuelle du spectacle sera celle de la ligne droite, de la perspective. Cet espace nu, nous le remplirons, nous viendrons le combler, l’investir, jusqu’à l’étouffement. L’amoncellement d’objets, d’accessoires, de transformation, deviendra étouffant, trop plein.
Clara Chabalier
16, rue Marcelin Berthelot 94140 Alfortville
Voiture : périphérique Porte de Bercy / autoroute A4 direction Metz-Nancy sortie Alfortville.