« Que peut un corps ? » Cette question posée par Spinoza dans L’Éthique ouvre un champ d’investigation presque vertigineux. Le corps présente la particularité d’être ce qui nous est le plus familier et, pourtant, il nous échappe de bien des façons. Cette dimension troublante du corps, à la fois énigme et évidence, Denis Guénoun la déploie dans l’espace du plateau, la confronte aux contraintes de la scène pour mieux l’appréhender. Le théâtre est donc appelé à jouer un rôle de révélateur.
Fruit d’une investigation au carrefour de la philosophie et du théâtre, Aux corps prochains s’est construit par étapes. « Le Corps lui-même, par les seules lois de sa nature, peut bien des choses qui font l’admiration de son Esprit », écrit Spinoza. Marcher ou se tenir debout sont des choses qui ne vont pas de soi, pour peu qu’on y réfléchisse. Sans oublier la voix, capable non seulement de parler mais aussi de chanter.
Après Artaud-Barrault et Qu’est-ce que le temps ?, spectacle réalisé d’après Les Confessions de saint Augustin, cette nouvelle création, conçue par Denis Guénoun et Stanislas Roquette, explore, peut-être, à travers cette réflexion, ce qu’il y a de plus mystérieux dans l’être humain, et qui paradoxalement se présente en permanence sous nos yeux : à savoir, l’ordinaire d’un corps, qui bouge et fait du bruit. Quant à la notion de « corps prochains », évoquée dans le titre, elle rappelle à la fois l’imminence du geste, mais aussi la proximité de l’autre.
Hugues Le Tanneur
On trouve, dans l’Ethique de Spinoza, une phrase devenue aujourd’hui fameuse : « Nul ne sait ce que peut un corps » (Livre III, proposition 2). L’ouvrage étant écrit en latin, cette phrase peut se traduire avec des nuances différentes : par exemple, « ce que peut le corps (quid corpus possit), personne ne l’a jusqu’ici déterminé (nemo hucusque determinavit) ». Dans plusieurs de ses ouvrages et de ses cours, Gilles Deleuze a porté à cet énoncé une attention très vive, ce qui a beaucoup contribué à la notoriété de la formule. Or, si on s’y arrête un moment, cette phrase est vertigineuse. Ce que peut un corps, nous devrions le savoir avec précision : en raison des lois physiques qui régissent la matière, ou des fonctions biologiques des organes, dont la connaissance ne cesse de progresser.
Et cependant, quelque chose, dans cette formulation, nous saisit. Nous postulons que des possibilités d’un corps nous restent obscures, et sommes convaincus que notre savoir ici demeure limité, provisoire.
Cet étonnement est la source du spectacle créé par la compagnie Artépo au Théâtre National de Chaillot au printemps 2015.
Tres beau jeu des acteurs et impecable intervzntion de la vidéo pour donner à ce spectacle de quoi entraîner et rive le spectateur C est superbe
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Tres beau jeu des acteurs et impecable intervzntion de la vidéo pour donner à ce spectacle de quoi entraîner et rive le spectateur C est superbe
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