L'histoire
Les personnages
Note de mise en scène
En 1971, comme des millions d'autres jeunes citadins chinois, le narrateur et son ami Luo sont envoyés sur une haute montagne isolée voisine du Tibet, où ils seront "éduqués" par les paysans. Les adolescents ont trois chances sur mille de revenir un jour dans leur ville natale.
Dans le village voisin, un autre jeune de la ville cache scrupuleusement une valise remplie de livres interdits : Balzac, Flaubert, Hugo, Kipling, Emily Brontë, Rousseau, Dostoïevski... Grâce à ces trésors, la ravissante petite tailleuse, jeune fille convoitée par tous, ne sera plus jamais la même.
Dai Sijie nous raconte avec sensibilité et humour l’initiation de deux garçons et d’une jeune fille à la culture, dans le contexte poignant des camps de rééducation de la révolution culturelle chinoise.
« L’histoire que je raconte est en grande partie du vécu. C’est l’histoire sur l’amour du livre, je tenais à écrire un petit roman pour rendre hommage à la littérature qui a rythmé ma vie. Je ne me remémore les souvenirs que par les livres. Chaque période de ma vie est marquée par des romans que j’ai lus. » Dai Sijie
Jean-Christophe Barbaud offre ici une œuvre théâtrale entièrement originale avec un texte nouveau écrit à partir de la matière du roman. Le théâtre, par sa fraternité visible et charnelle permet, d’éclairer ce beau récit et de nous faire partager son message universel : la culture, si elle est désir, nous transforme et donc transforme le monde.
Le conteur
Il commente, active le récit et le jeu des acteurs créant les personnages. Véritable coryphée polymorphe, il dialoguera constamment avec le public, les personnages en adresse directe ou indirecte.
La Petite Tailleuse chinoise
Une sauvageonne lumineuse, qui réconforte par sa seule existence les rééduqués dans l’enfer de la montagne Princesse de la Montagne, elle règne par sa beauté, par sa connaissance des plantes de la Montagne, parfois mystique, joueuse et très bonne nageuse ; amoureuse de Luo.
Luo
Fils d’un dentiste réputé qui soigna les dents du président Mao ; très bon conteur lui-même ; ne supporte pas son exil ; amoureux de
La Petite Tailleuse chinoise.
Ma
Ami et protecteur du précédent ; adepte de l’idéal chevaleresque, souffre de sa timidité et de sa situation qu’il sublime.
Le Chef du village
Zélé fonctionnaire, petit chef typique néanmoins humain parfois, contre compensation.
Le Tailleur
Héros de la montagne grand voyageur, aimé de tous quand il arrive dans un villages, surtout par la gente féminine.
Le Binoclard
Délicat intellectuel souffrant de sa gaucherie dans les travaux manuels imposés par la révolution culturelle ; possède des livres interdits chinois et européens.
La mère du Binoclard
Poétesse connue, qui n’est plus en grâce ; habile, elle cherche à sortir son fils de sa prison montagnarde.
Le meunier
Grand alcoolique, singulier solitaire qui connaît des vieilles chansons folkloriques disparues.
Le médecin de Yongjing
Un ami du père de Ma ; il officie avec dévouement dans la bourgade peu engageante de Yongjing, seule ville alentour de villages de la Montagne.
Le vieux pasteur et sa famille
Silhouettes émouvantes qui vivent le délit d’opinion, de croyance et ses conséquences.
A ma connaissance, aucune adaptation théâtrale de Balzac et La Petite Tailleuse chinoise n’a été réalisée, excepté une comédie musicale à Londres. Sur un sujet tour à tour traité par le roman, puis par le cinéma, que peut apporter le théâtre ? Le sujet est riche et les subtilités des situations, du choix des mots et de leur tradition, relève souvent de références, de codes communs aux chinois, inconnus des français. Le théâtre met en évidence, au présent, les relations psychologiques, sociales, symboliques, philosophiques entre les personnages, les comédiens et le public ; il peut approfondir par des moyens complémentaires à ceux du roman ou du cinéma, le sujet de ce beau récit qui sonde la confrontation entre la culture et la vie.
C’est un récit interculturel, récit urgent ; car il raconte une voie nouvelle dans la mondialisation actuelle où tous les codes se bouleversent. C’est la voix de Dai Sijie, voix d’un auteur chinois écrivant en français, vivant en France depuis une quinzaine d’années. Cette voix inaugure un nouveau dialogue entre cultures française occidentale et chinoise ancienne et nouvelle- à l’heure où la majorité des primo-arrivants en France sont d’origine chinoise.
Dans le film réalisé par Dai Sijie à partir de son roman, le personnage de Ma apparaît comme un adolescent intériorisé, sensible et timide ; dans le roman, Ma parle à la première personne et d’ailleurs souvent à la première personne du pluriel montrant ainsi sa joie sociale du partage avec les autres mais aussi son aliénation, ce qui constitue le cœur de sa contradiction. Ses sentiments sont donc fortement manifestés : par leur vigueur, leur contraste- on passe fréquemment de l’espoir au désespoir- ils ressuscitent les chauds-froids de toutes les adolescences.
Or, dans le théâtre grec, c’est le chœur qui souvent fait office d’amplificateur des sentiments induits par les situations dramatiques des héros ; m’est venue alors l’idée de confier aux acteurs un rôle double : à la fois acteurs incarnés mais aussi récitants inspirés et ironiques, vivant ainsi les sentiments mais aussi les faisant rebondir sur les spectateurs. Dès lors, une dramaturgie conteur/acteur s’imposait à moi. Et aussi un type d’écriture imbriquant personnages et conteurs ; voix/corps et commentaires activants.
Donner ainsi les moyens ouverts à qui lira, à qui jouera, à qui regardera et entendra ce spectacle, d’organiser de façon émouvante et ludique ce lien entre récitant et acteur, entre récit et dialogue par des allers et retours subtils, dansants en quelque sorte.
Le mélange conteur/acteur, comme le mélange réalité/fiction nous plongera ainsi dans la dualité délicate des représentations mentales de chacun et par l’élégance de sa forme permettra un partage plus abouti de notre condition d’homme ici et maintenant et là-bas en Chine, il n’y a pas si longtemps.
Le dispositif scénique sera frontal. Pendant le spectacle, deux espaces, l’un rationnel, représentant la « skêné », l’autre circulaire renvoyant au « Music-hall » seront constamment utilisés, soit indépendamment, soit en interaction. Une violoniste interprètera tour à tour des airs de musique occidentale et de musique chinoise. L’éclairage, très fluide, devra également suggérer ces deux espaces et donc permettre à des univers réels, oniriques et épiques de se rencontrer.
Des accessoires simples mais signifiants seront les supports des jeux des acteurs tantôt conteurs, tantôt personnages « réalistes ». De même pour les costumes.
Jean-Christophe Barbaud
94, rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris