L’envie d’être instinctif pour accueillir le geste qui va se présenter, celui porteur de l’instant, du vivant, du propos dans l’instant, là, au moment du dialogue avec l’interprète implique qu’il fallait modifier mon temps d’écriture en amont des répétitions : loin de mon bureau, déposer carnets, feuilles, armes et partitions à même le sol du studio de répétition et obliger mon corps à faire corps.
M’obliger à ce chemin de la verticale à la page au sol pour écrire. Obliger mon corps à suivre le mouvement des partitions et de la pensée, m’obliger à habiter l’espace où se dessine l’enjeu. Et de ce rapport physique décréter que dans cette pièce la chute ne sera pas ; parler de la faille, mais sans la chute. Inédit et jouissif à mon endroit.
L’envie d’être instinctif implique également de me faire confiance. Confiance dans mon bagage de chorégraphe au long cours, dans ma mémoire, pour, en entrant dans le studio, m’obliger à converser avec mon corps, mes sensations et pensées, là, dans l’instant. De partager le fruit d’une longue maturation-préparation qu’est l’écriture mais de la partager de manière presque innée. Enlever tout ce qui peut recouvrir pour me rassurer, conserver la matière plastique et laisser la question de la théâtralité explorée et présente dans les Soli noirs.
Bleu. Sera une plainte bleutée, un espace ascétique et tendu.
Être fidèle à soi-même et se ré-inventer, c’est se faire confiance et savoir abandonner. Les Soli noirs, remonter sur scène m’ont appris un peu du lâcher prise. Se sentir libéré et dans le même souffle heureux de soi-même.
Dans ce monde aux angles durs, faire danser des chimères dans une plaine bleutée, aux armures crâniennes boursouflées, aux gestes tendus, fermes, raidis, aux dialogues essentiels et poignets baroques, et commencer par être là. Bleu. va s’attacher à faire apparaître l’après impact, une pièce de l’ecchymose où la danse sera celle d’un auteur… romantique, ce que je suis. Contemporain et romantique.
Yvann Alexandre
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux