Chirine Al Ansari l’Egyptienne porte le nom de princesses nostalgiques. Et pourtant la force qui se dégage de sa parole de conteuse devient musique, vent de tempête, houle, fracas de rochers se brisant sur les seuils de grottes magiques où les djinns cornus aux yeux de diamants se précipitent pour l’emporter au centre de la terre ou au creux du lit d’un amant royal. D’un geste, un haussement d’épaules, un regard en arrière au-delà de sa volumineuse chevelure brune, elle fait cesser tous les débordements et reprend d’une voix calme le cours de son histoire.
Elle conte depuis plus de dix ans déjà et ne se lasse pas du thème prodigieux qui berça son enfance : les Mille et Une Nuits. Ces histoires dont elle connaît parfaitement les détours, les secrets des tiroirs, les rebondissements oniriques, elle se plaît à les ciseler à la manière d’un orfèvre. La matière travaillée par son imagination, par sa bouche, par son corps - car elle danse les légendes et les fables - devient un bijou stupéfiant qui réserve des surprises. Le sultan Shahriyar peut se trouver dans la rue Champollion au Caire et lire son journal en sirotant un café. Badreddin aurait quitté Damas et le souk Hamidieh pour traverser l’Anatolie dans une voiture de louage à la recherche d’une passante.
Chirine rebondit sur des mots (arabes et français) vieux comme les siècles et qui font rêver ceux qui ont encore à parcourir le fil de leurs rêves, elle bat des ailes en ouvrant sa mémoire de chrysalide, sa petite porte secrète vers la lumière du bonheur.
Françoise Gründ
101, boulevard Raspail 75006 Paris