« Depuis fort longtemps, les royaumes d’Irân et de Tourân sont en rivalité. Rostam, défenseur d’Irân, n’a nul égal au combat. De sa liaison d’une nuit avec une femme de Tourân vient au monde Sohrâb, qu’il ne peut voir grandir. Or à l’âge de cinq ans, celui-ci est déjà fort comme un guerrier adulte. Apprenant le secret de ses origines, Sohrâb entreprend de faire la guerre à l’Irân, rêvant de retrouver son père et le faire roi. Mais le fils et le père ne se reconnaîtront que trop tard, opposés sur le champ de bataille. »
Il y a dix siècles, le poète iranien Ferdowsi a transcrit toute la mythologie iranienne dans une œuvre immense : le Shâh-Nâmeh (Le Livre des Rois). Rostam en est un des personnages principaux. C’est une figure populaire. L’histoire de Sohrâb est un épisode du Shâh-Nâmeh. C’est un enfant qui a trop vite grandi, un jeune homme qui se précipite. Dans cet univers guerrier, les femmes sont fortes et déterminées : Tahminet, qui choisit Rostam pour amant pour mettre au monde un fils puissant ; Gord-Âfarid, qui ose affronter Sohrâb à armes égales.
Dans une mise en scène vive, Farid Paya porte une attention particulière aux techniques issues des arts martiaux d’Orient. Le texte est incarné. Le chant, un des constituants du travail théâtral de la Compagnie du Lierre, crée de l’espace et ouvre le chemin au verbe. Les vêtements empruntant aux miniatures persanes déploient, sur un plateau épuré, leur splendeur chatoyante.
Je viens d'Iran, un pays de conteurs. De tout temps, nous les Iraniens avons été bercés par des récits fabuleux. Les contes des mille et une nuits sont bien connus en Europe. Par contre, les récits mythologiques n'y sont pas parvenus. Ce projet est pour moi un retour aux sources essentiel. Il me fallait oser regarder du côté de Ferdowsi, ce poète tant admiré par bon nombre de pays asiatiques. Cette oeuvre est constitutive de la langue persane et fonde la culture iranienne dans toute sa force et toute sa richesse.
Je n’ai jamais envisagé une mise en scène sans m’interroger sur le travail de l’acteur. Les répétitions sont le lieu et le temps où les corps et les voix trouvent leur énergie pour s’inscrire dans l’espace et le structurer. L’émotion que l’acteur communique provient du drame spatial où s’inscrivent les lignes corporelles et vocales, c’est-à-dire dans le jeu de tension et de détente du plateau. La partition de chaque acteur doit parvenir à une grande lisibilité. L’interaction entre les acteurs va structurer la mise en scène.
Des guerriers conteurs : Une attention particulière sera donnée à des techniques issues des arts martiaux d’Orient. Le texte : J’accorde une importance très grande à la qualité du dire, tant au plan de l’articulation, des inflexions et des couleurs de la voix, qu’à sa projection dans l’espace. Cela suppose que le texte soit très incarné. Le chant : Il est un des constituants du travail théâtral de la Compagnie du Lierre. Ici, c’est l’épopée qui appelle le chant, un chant qui crée de l’espace et ouvre le chemin au verbe. L’adresse : J’ai souvent privilégié l’adresse de l’acteur vers les spectateurs. Je ne connais pas le quatrième mur. Il faut jouer avec les spectateurs.
Les bases de la mise en scène : plateau nu. Juste une toile de soie brodée et trois marches en fond de scène. Les vêtements vont emprunter, sans véritablement imiter, aux miniatures persanes. Cet espace est multiple à la manière des tragédies shakespeariennes : tantôt un palais, tantôt une alcôve, tantôt un champ de bataille. L’absence de décor permet un changement d’espace sans rupture.
Chaque nouvel espace a sa structure donnée par le corps des acteurs, par leurs chants et par la lumière. Bien sûr, le texte précise de son côté le lieu de l’action. Visuellement, il s’agit de suggérer, de faire rêver le spectateur. Il doit pouvoir faire son théâtre à lui.
Farid Paya
« On retrouve avec plaisir l’esthétique propre à la Compagnie du Lierre (...). Le goût du conte oriental et la soyeuse harmonie des costumes d’Évelyne Guillin, qui signe aussi avec Paya la sobre et rigoureuse scénographie dans laquelle évoluent les personnages combattants de cette histoire cruelle qui met en jeu les forces du mal pour mieux louer, à point nommé, les vertus de la paix recouvrée, vont de pair avec l’agilité des interprètes (...). Travail de passeur au sens noble du mot (...). Il n’est donc pas négligeable de s’étoffer l’imaginaire devant une telle représentation, qui mêle hardiment l’âpreté du sens au chatoiement du style. » Jean-Pierre Léonardini, L'Humanité
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