Courbevoie Thu-Du 1946

du 2 au 20 novembre 2005

Courbevoie Thu-Du 1946

« Porté disparu à Thu-Duc, Cochinchine, juin 1946 ». Qu’est devenu Pierre, engagé dans l’armée française, 18 ans au moment de sa disparition ? Son frère jumeau enfouit le secret. A sa mort, sa fille décide d’y mettre le nez. Le colon français de Saïgon, le paysan viet des rizières, le légionnaire, la militante du Vietminh : des corps qui s’évitent, se heurtent, se rencontrent. Un jeu de reconstruction.

Courbevoie Thu-Du 1946 ou Le pont, le puits, la prison

“Un être humain n’est au plus près de sa vérité que quand il est mort. Une fois mort, l’homme est fixé et l’on voit autrement son image.” Jean Genet

Un jeu de reconstruction
1954-2004 : la fin de la guerre d’Indochine
Extraits
Du théâtre-documentaire
De la mise en scène

  • Un jeu de reconstruction

« Porté disparu à Thu-Duc, Cochinchine, juin 1946 ». Qu’est devenu Pierre, engagé dans l’armée française, 18 ans au moment de sa disparition ? Son frère jumeau enfouit le secret. A sa mort, sa fille décide d’y mettre le nez.

Sept joueurs français et vietnamiens / un jeu de l’oie pour échafauder les hypothèses autour de la disparition / des histoires possibles / un puzzle / un grand vide qui ne se comble pas/ une douleur toujours présente.

Le colon français de Saïgon, le paysan viet des rizières, le légionnaire, la militante du Vietminh : des corps qui s’évitent, se heurtent, se rencontrent. Un jeu de reconstruction.

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  • 1954-2004 : la fin de la guerre d’Indochine

1954 : La France coloniale a perdu sa guerre à Dien Bien Phu. Des accords de paix sont signés quelques mois plus tard à Genève. Ils tiendront quelque temps puis la guerre reprendra cette fois-ci contre les Américains. La même année en Algérie, le même scénario se met en place, souvent avec les mêmes hommes.

2004 : 50 ans ont passé… et pourtant d’autres « Indochine » ont lieu, d’autres nations sont toujours spoliées, le colonialisme change de nom. Mais sont toujours présents les mêmes hommes en treillis, entraînés, abusés, charriant les mêmes horreurs, les mêmes lassitudes.

“D’un côté ou l’autre du pont”, traîtres, tortionnaires ou bien héros, ils pensaient choisir, ils sont devenus des individus tragiques pris dans l’étau de leur propre histoire.” R.J Doyon, Les Soldats blancs de Hô Chi Minh

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  • Extraits

La Fille :
Je revenais de l’école
C’était un vendredi midi
Quand j’ai mis le pied dans la maison , j’ai tout de suite senti
Ils étaient là tous les deux dans la cuisine, ils ne se parlaient pas
Papa, assis à un bout de table, blanc comme un linge
Il regardait fixement un papier qui était sur ses genoux,
Maman debout contre la cuisinière, qui reniflait
J’ai demandé ce qu’il y avait
Je me suis pris un aller-retour. Papa est parti en claquant la porte
Maman a continué à pleurer
Plus tard elle m’a appris que les gendarmes étaient passés à la maison
rapport à Pierre, le frère jumeau de Papa qui s’était engagé en Indochine
Je lui ai demandé s’il était mort
Elle m’a dit pire que ça
J’ai pas compris
Silence
j’avais huit ans

Plus loin
Je crois qu’il est perdu, définitivement…
Tout ça c’est un problème de corps,
Le corps désintégré, avalé, brûlé, noyé,
Le corps à jamais absent, perdu, volatilisé,
A Saïgon, en Australie, à Roanne, à Poulo Condor ?

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  • Du théâtre-documentaire

Ce texte est une réflexion sur l’Histoire, mais aussi une recherche sur une forme qui interroge cette histoire : ce pourrait être un documentaire historique... un jeu de société... un puzzle qui rassemble des morceaux éclatés... C’est un travail sur le souvenir, qui interroge les liens avec une histoire vieille de plus de 50 ans, ce qu’il en reste aujourd’hui.

L’histoire personnelle est ici le prétexte à parler de ces vies volées par la guerre, sacrifiées à des causes : l’histoire des disparus de la guerre française d’Indochine. C’est l’histoire d’hommes fourvoyés dans une guerre qui n’était pas la leur, qui en ont été les acteurs malgré eux.

« Le théâtre-documentaire est un des genres les plus exigeants et difficiles qui soit. En partant d’un matériau réel (récit de vie, journal intime, lettres…) l’enjeu nécessaire d’un passage à la fiction et donc d’une prise de distance artistique prend un caractère bien plus complexe que dans la mise en scène d’une pièce de théâtre habituelle.
Colette Alexis, comédienne et metteur en scène engagée depuis de nombreuses années dans une démarche d’action culturelle auprès des habitants de Montreuil, sous l’égide du Centre Dramatique National et plus récemment auprès des habitants du quartier du Val Notre Dame à Argenteuil, réussit le pari dans Courbevoie Thu-duc 1946, d’explorer les parcours possibles ou tout simplement imaginaires de son oncle, disparu à Thu-duc en 1946, au cœur de la guerre d’Indochine. Passage à l’ennemi, capture, évasion amoureuse, participation aux trafics de l’Indochine coloniale, de nombreux scenarii sont explorés par les comédiens, pour le plus grand bonheur du spectateur, embarqué dans une sorte de jeu de l’oie théâtral. Au cœur du spectacle, une interrogation intime sur le secret de famille et sur l’Histoire. Pour nous inviter &agrav; nous rappeler ce qu’a dû représenter pour de jeunes appelés français, l’entrée brutale dans un conflit dont ils pouvaient à titre personnel, ne pas toujours partager les enjeux et nous remémorer une page importante de l’histoire récente de la communauté vietnamienne… »

Marina Zinzius

« Toute forme en venant au jour s’inscrit dans le temps. Et le temps fait entrer les flux du monde dans ce qui a surgi de l’intime. Mais le monde et les formes ne mêlent pas leurs flux sans heurts et sans contradictions. » Joseph Danan, in Le Théâtre de la pensée

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  • De la mise en scène

Histoire de famille
La Fille retrouve à la mort de son père la feuille d’incorporation militaire de Pierre, frère jumeau de son père, disparu en Indochine en juin 46. Entre les livres et les diapos du passé, elle mène son enquête.

Fantômes
Elle fait surgir ses propres fantômes, sortis de son musée de la guerre du Vietnam - soldats errants, combattants glorieux - comme des photos qui seraient sorties d’un Paris Match.

Jeu de l’oie
Les fantômes devenus joueurs mettent en place un jeu de l’oie, tombant tour à tour sur le pont, le puits, la prison, le labyrinthe ou la maison. Ils échafaudent les hypothèses de la disparition. .Chacun choisit de défendre son Pierre disparu : « Celui-qui-se-perd ou erre-dans-la jungle », « Celui-qui-passe-à-l‘ennemi », « Celui-qui-tue-qu‘avait-pas-le-choix ».

Reconstitution
Ils deviennent ces jeunes engagés pris au piège, soldats du corps expéditionnaire, militants du Vietminh, légionnaires arrogants, paysans ou déserteurs. Ils rejouent la fuite, le guet-apens, le passage à l’ennemi, la prison.

Un élément de la scénographie : la bâche
Elle recouvre l’histoire familiale : des cageots pleins de livres, deux lits superposés, une radio, un vélo. La fille y projette ses images. Les femmes vietnamiennes y font leur maison, et les soldats leur chambrée.
L’espace scénique se transforme sans cesse, passant du jeu de l’oie à la carte de l’Indochine, tour à tour espace de l’attente ou de la reconstitution.

Des joueurs
Deux femmes vietnamiennes, quatre hommes français, africain, franco-vietnamien. Ils aident la Fille à rassembler des morceaux éclatés. Ils prennent parti, cherchent leur réponse, chacun selon sa propre histoire. Les corps parlent dans leur fluidité ou au contraire dans leur rugosité et leur maladresse. Ils parlent là où les mots ne peuvent plus se dire : ils hoquètent, se liquéfient, se répètent, se brisent parfois.

La Fille : tantôt elle joue la maîtresse de cérémonie, organise le jeu, tantôt elle se perd.

La matière sonore
Elle est un entrelacs de guitare électrique, d’enregistrements de voix d’anciens combattants, de chansons vietnamiennes ou de chants de soldats.

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Théâtre de l'Opprimé

78, rue du Charolais 75012 Paris

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Théâtre de l'Opprimé
78, rue du Charolais 75012 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 20 novembre 2005

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