Spectacle en allemand surtitré en français.
La censure ne plaisante pas : au XVIIe siècle, c’est le Tartuffe qui était concerné. Certes, les interdictions se font autrement aujourd’hui, et la polémique autour d’une oeuvre ne suscite plus dans le monde clérical l’appel à l’autodafé. Mais, à l’époque, le Tartuffe fut contesté de la manière la plus violente, tandis que Molière parvenait à ce que l’ « emploi de la comédie [afin de] corriger les vices des hommes » devienne objet de débat. L’auteur lui-même s’exposait ainsi en tant que cible pour un influent mouvement chrétien qui ne lui pardonnait pas sa satire des formes mondaines de certaines pratiques religieuses. L’interdiction en fut une première conséquence, la réflexion publique sur le rôle du théâtre dans la société une seconde.
Tartuffe vient de loin, semble être un étranger, et ceci le rend dès le début suspect dans la maison du riche bourgeois Orgon. Mais il est bon comédien, suffisamment convaincant du moins pour qu’Orgon, dans l’ennui et le marasme de son aisance matérielle, lui fasse aveuglément confiance. Que la soi-disant vertu de l’imposteur puisse n’être qu’une façade, le bourgeois aisé et bigot ne veut pas le savoir, quelles que soient les preuves que lui en apportent sa famille. Les frontières morales sont néanmoins fluctuantes : la cupidité est partagée par tous. Ce qui conduit les uns à tenter de conserver leur aisance matérielle et d’éviter le déclassement social, fait des autres des hypocrites qui instrumentalisent les pulsions et les sentiments humains. Le Tartuffe de Molière constitue ainsi une analyse profondément pessimiste de la société bourgeoise, à l’époque comme aujourd’hui. Dimiter Gotscheff, metteur en scène bulgare qui travaille depuis les années 80 en Allemagne et dont l’Ivanov a rencontré un grand succès la saison dernière lors du Standard idéal, a su le voir. Son Tartuffe est un parasite que la société de l’abondance et de ceux qui sont en quête de sens produit et nourrit.
Et Gotscheff, une fois encore, trouve les images immédiatement frappantes et ramène le présent dans une pièce apparemment bien connue : dans le vide obscur, une fontaine de serpentins s’élève, la société semble célébrer son propre ennui dans un feu d’artifice de papier, avant d’y sombrer jusqu’au genou comme dans sa propre richesse. Ce Tartuffe devient un cauchemar coloré auquel Gotscheff intègre des textes d’Heiner Müller, un tableau radical d’une société urbaine contemporaine marquée par le fossé entre riches et pauvres, et dans laquelle la tentation du fanatisme tombe dans un terreau propice.
9, bd Lénine 93000 Bobigny
Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)