Dire Beckett

du 21 mars au 29 avril 2007
1h10

Dire Beckett

Lecture de textes de Samuel Beckett : Berceuse, Pas moi et Premier Amour par Moni Grégo et François Négrét.
  • Programme

Dire Beckett I : Berceuse et lecture de Premier Amour : du 21/03/2007 au 7/04/2007

Dire Beckett II : Pas moi et lecture de Premier Amour : du 11/04/2007 au 29/04/2007

  • Le Corps de texte

Lorsque les femmes jouent un rôle au théâtre, elles sombrent la plupart du temps cantonnées dans des archétypes : La maman, la putain, l’ange pur, la jeune fille perverse, la potiche, la mégère, la sorcière.

Il y a fort peu de personnages de femmes traitées comme des personnes entières énigmatiques, d’une équation nouvelle, inconnue, des femmes «autres», comme elles le sont réellement. Il n’existe pas pour les actrices, d’équivalent d’Alceste, d’Hamlet, de Richard III, ou de Peer Gynt.

On a pu lire, depuis, dans Jung, Reich, Bataille, Genet, Deleuze et Guattari… que le désir, les pulsions, les pulsions de mort ne sont pas seulement une affaire de famille, mais qu’elles
naissent aussi du programme d’un vaste champ social.

Dans Berceuse ! comme dans Pas moi ne serions nous pas très proches de ce territoire que Sigmund Freud a appelé «le continent noir» ?
«(…) mis au monde… ce monde… petit bout de rien… avant l’heure… loin de -… quoi!?… femelle ?… oui… petit bout de femelle… au monde… avant l’heure… loin de tout (…)»*

Beckett, le premier ose aller jusque dans la chair du texte puiser le non-sens d’une langue qui, même si elle surgit par l’orifice buccal d’un corps féminin, révèle par ses tâtonnements avec le sens, combien elle est inapte à dire la vraie langue de cette bouche. Des auteurs de cette envergure, et qui ont le courage d’aborder ces îlots inconnus, il n’y en a pas beaucoup.

Sans doute Elfriede Jelinek aujourd’hui (prix Nobel de littérature 2004), continue, par l’écriture, les mots, à débusquer les lieux de «l’infini servage de la femme»**. Évidemment la richesse de ces deux textes ne se limite pas seulement à une attitude nouvelle vis à vis du féminin.

La charge sensible, érotique, humaine, la vibration de l’écriture, le regard sur le monde contemporain, sur l’énigme du devenir humain, et bien d’autres qualités encore nous guident pour choisir de créer un spectacle pour mettre le public en face de ces chefs-d’oeuvre du théâtre.

Yves Ferry & Moni Grégo

* Pas moi de Samuel Beckett
** La lettre du voyant d’Arthur Rimbaud

 

  • Les oeuvres

Berceuse

Une femme parle, bercée dans un rocking-chair. Dans quel espace-temps se situe ce corps en mouvement, d’où vient sa voix ? Récit de désir, d’appel à cet "autre"… que le théâtre grandit. L’écriture de Beckett si belle et juste nous chante un univers féminin très présent, changeant, presque météorologique, extrêmement impressionnant.

Premier amour

"J'associe, à tort ou à raison, mon mariage avec la mort de mon père, dans le temps. Qu'il existe d'autres liens, sur d'autres plans, entre ces deux affaires, c'est possible. Il m'est déjà difficile de dire ce que je crois savoir."

On peut en formuler l’hypothèse : c’est certainement parce que Beckett a arpenté ce dur chemin de lucidité, avec un regard froid et respectueux sur les ravages causés par l’amour, que dans Premier amour il peut écrire, en 1945 :
"l’amour vous rend mauvais, c’est un fait certain"
ou "l’amour c’est l’exil, avec de temps en temps une carte postale du pays, voilà mon sentiment ce soir"
ou encore "l’amour ça ne se commande pas"

Pas moi

Pas moi, est une longue litanie d’une parole de femme réduite à une bouche, cette bouche, elle même n’étant plus que le lieu de passage d’une voix qui ne peut s’exprimer qu’à la 3° personne du féminin. Plus de «je» plus de «moi», plus qu’"Elle" !

Cette bouche on la surprend déjà en train de parler, source du verbe, elle parlait parle et parlera. Ici, le corps de l’actrice devient l’orant du texte, l’origine, l’espace électrique troué, harcelé, exténué, chargé… l’instrument, la seule issue, l’embouchure d’un flot, d’un fleuve, dont le lit serait dévasté.

Une femme dit, à la troisième personne ce qu’à écrit l’auteur pour «Elle», puisque le temps et l’espace pour «Moi» ne sont toujours pas de ce monde. Une des oeuvres les plus grandioses de Samuel Beckett, spirale autour de l’innommable du "parler féminin", un vertige.

Dans nos temps de turbulences où tout est à revisiter des relations humaines, des rapport aux corps, aux lois, au langage, on peut à notre tour s’interroger : "Que serait cette 3° personne du féminin, dont on perçoit l’émergence ? "

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Théâtre Falguière
55, rue de la Procession (Place Falguière) 75015 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 29 avril 2007

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