Nous avons à faire au trio classique du drame bourgeois, la femme, le mari, l'amant. Mais dans cette pièce l'amant n'est pas présent, il est un fragment de la mémoire de Rebecca. Vérité, phantasme, traumatisme ? Voilà le puzzle que Devlin (le mari) tente de démêler.
La forme qu'il choisit est violente : l'interrogatoire. Mais Rebecca est hantée par la violence de l'Histoire ; de toutes les catastrophes de l'Histoire. Tout se superpose dans son quotidien et dans sa mémoire.
Harold Pinter ne cite jamais ses sources. Il nous propose un « suspens », des pistes, à nous aussi d'essayer de comprendre l'enfermement dans lequel Rebecca s'est réfugiée.
Cette pièce en un acte a été créée le 12 septembre 1996 au Royal Court Theatre à Londres, ainsi qu’en langue française à Paris, en 1998, au Théâtre du Rond-Point dans une mise en scène de Harold Pinter.
« C'est ce Pinter juif qui a servi de guide à Gérard Desarthe, qui livre de Dispersion une mise en scène d'une sobriété et d'une justesse musicale exemplaires : un écrin pur et abstrait pour une Carole Bouquet magnifique, d'une beauté et d'un mystère à couper le souffle. » Fabienne Darge, Le Monde, 29 septembre 2014
« Le Devlin de Gérard Desarthe, avec une précision tranchante et une sourde tendresse, observe et écoute. Carole Bouquet, lovée sur le canapé, accrochée à son châle comme à une bouée est remarquable. Elle fait tout comprendre des pensées tourmentées de Rebecca, avec pudeur et subtilité. » Figaroscope
« Carole Bouquet, dirigée au cordeau par Gérard Desarthe rencontre là un de ses plus beaux rôles. Un rôle en creux habité par la beauté de son phrasé et de son timbre, par la lumière de son visage comme lavé à grande eau. Desarthe l’a amenée, presque amoureusement, à la perfection. » L’Express
« Carole Bouquet, qu'on n'avait pas vue sur scène depuis quatre ans, est bouleversante dans ce rôle de femme banale rattrapée, comme à son insu, par le martyre de l'humanité. Le décor, aussi beau qu'inquiétant, évoque la salle d'attente d'une clinique bourgeoise, où l'art chirurgical et la cruauté de Pinter s'expriment à la perfection. » Le Nouvel Observateur
« Carole Bouquet, dirigée au cordeau par Gérard Desarthe rencontre là un de ses plus beaux rôles. Un rôle en creux habité par la beauté de son phrasé et de son timbre, par la lumière de son visage comme lavé à grande eau. Desarthe l’a amenée, presque amoureusement, à la perfection. » L’Express
« Gérard Desarthe relève magnifiquement le défi. Il frôle la perfection dans le personnage de Devlin… C’est une fascinante Carole Bouquet qui nous promène dans les méandres de la mémoire. Redoutablement poignante. » Pariscope
« Le travail fin, profond, rigoureux de Desarthe, en révèle l’essence même, les ombres et les lumières. Inquisiteur obstiné, précis, à la violence rentrée, il forme avec sa partenaire un couple pénétrant. Le jeu intérieur de Carole Bouquet, habitée de mémoire, imprégnée de souffrance, interpelle et cueille le spectateur. C’est l’art de l’exigence. » Journal du dimanche
La vérité au théâtre est à jamais insaisissable. Vous ne la trouvez jamais tout à fait, mais sa quête a quelque chose de compulsif. Cette quête est précisément ce qui commande votre effort. Cette quête est votre tâche. La plupart du temps vous tombez sur la vérité par hasard dans le noir, en entrant en collision avec elle, ou en entrevoyant simplement une image ou une forme qui semble correspondre à la vérité, souvent sans vous rendre compte que vous l'avez fait. Mais la réelle vérité, c'est qu'il n'y a jamais, en art dramatique, une et une seule vérité à découvrir. Il y en a beaucoup. Ces vérités se défient l'une l'autre, se dérobent l'une à l'autre, se reflètent, s'ignorent, se narguent, sont aveugles l'une à l'autre. Vous avez parfois le sentiment d'avoir trouvé dans votre main la vérité d'un moment, puis elle vous glisse entre les doigts et la voilà perdue.
On m'a souvent demandé comment mes pièces voyaient le jour. Je ne saurais le dire. Pas plus que je ne saurais résumer mes pièces, si ce n'est pour dire voilà ce qui s'est passé. Voilà ce qu'ils ont dit. Voilà ce qu'ils ont fait (…)
C'est un étrange moment, le moment où l'on crée des personnages qui n'avaient jusque-là aucune existence. Ce qui suit est capricieux, incertain, voire hallucinatoire, même si cela peut parfois prendre la forme d'une avalanche que rien ne peut arrêter. La position de l'auteur est une position bizarre. En un sens, les personnages ne lui font pas bon accueil. Les personnages lui résistent, ils ne sont pas faciles à vivre, ils sont impossibles à définir. Vous ne pouvez certainement pas leur donner d'ordres. Dans une certaine mesure vous vous livrez avec eux à un jeu interminable, vous jouez au chat et à la souris, à colin-maillard, à cache-cache. Mais vous découvrez finalement que vous avez sur les bras des êtres de chair et de sang, des êtres possédant une volonté et une sensibilité individuelle bien à eux, faits de composantes que vous n'êtes pas en mesure de changer, manipuler ou dénaturer.
Le langage, en art, demeure donc une affaire extrêmement ambiguë, des sables mouvants, un trampoline, une mare gelée qui pourrait bien céder sous vos pieds, à vous l'auteur, d'un instant à l'autre.
Mais, comme je le disais, la quête de la vérité ne peut jamais s'arrêter. Elle ne saurait être ajournée, elle ne saurait être différée. Il faut l'affronter là, tout de suite.
Le théâtre politique présente un ensemble de problèmes totalement différents. Les sermons doivent être évités à tout prix. L'objectivité est essentielle. Il doit être permis aux personnages de respirer un air qui leur appartient. L'auteur ne peut les enfermer ni les entraver pour satisfaire le goût, l'inclination ou les préjugés qui sont les siens. Il doit être prêt à les aborder sous des angles variés, dans des perspectives très diverses, ne connaissant ni frein ni limite, les prendre par surprise, peut-être, de temps en temps, tout en leur laissant la liberté de suivre le chemin qui leur plaît. (…)
Ashes to ashes, pour sa part, me semble se dérouler sous l'eau. Une femme qui se noie, sa main se tendant vers la surface à travers les vagues, retombant hors de vue, se tendant vers d'autres mains, mais ne trouvant là personne, ni au-dessus ni au-dessous de l'eau, ne trouvant que des ombres, des reflets, flottant ; la femme, une silhouette perdue dans un paysage qui se noie, une femme incapable d'échapper au destin tragique qui semblait n'appartenir qu'aux autres.
Mais comme les autres sont morts, elle doit mourir aussi.
Harold Pinter, Extraits de la conférence prononcée le 7 décembre 2005, à l’occasion de la remise de son prix Nobel de littérature
« Une si belle journée. Un tel calme. Le soleil brillait. Et j’ai vu tous ces gens entrer dans la mer. La mer montante les recouvrait lentement. Leurs bagages flottaient çà et là sur les vagues. »
Harold Pinter, Ashes to ashes, 1996
Pourriez-vous nous dire ce qui vous a poussé à écrire Ashes to ashes ?
Ashes to ashes traite de deux personnages, un homme et une femme, Devlin et Rebecca. De mon point de vue, la femme est simplement obsédée par le monde dans lequel elle est née, par toutes les atrocités qui ont été commises. En fait, ces atrocités semblent faire partie de son expérience alors qu’en réalité, je crois qu’elle n’en a elle-même subi aucune. C’est tout l’objet de la pièce. J’ai moi-même été obsédé par ces images pendant des années, et je suis sûr que je ne suis pas seul dans ce cas. J’ai grandi pendant la Seconde Guerre mondiale. J’avais une quinzaine d’années à la fin de la guerre ; je pouvais écouter, entendre et tirer mes conclusions, aussi ces images d’horreur, cette illustration de l’inhumanité de l’homme envers l’homme ont-elles laissé une impression très forte dans mon esprit de jeune homme. En réalité, elles m’ont accompagné toute ma vie. On ne peut pas leur échapper parce qu’elles ne vous lâchent tout simplement jamais. C’est le sujet de Ashes to ashes. Je pense que Rebecca incarne cela.
La question évidente est donc : s’agit-il d’une pièce sur le nazisme ?
Non, je ne le pense pas du tout. C’est une pièce sur les images de l’Allemagne nazie ; Je ne crois pas qu’on puisse se sortir ça de la tête. L’Holocauste est probablement la pire chose qui soit jamais arrivée parce qu’il s’agissait d’un projet calculé, délibéré, précis, parfaitement archivé par ceux-là même qui commettaient les crimes. Leur manière de voir les choses est très instructive. Ils comptaient combien de personnes ils assassinaient chaque jour, et ils considéraient cela, me semble-t-il, comme une chaîne de production automobile. Combien de voitures pouvez-vous sortir par jour ? Et puis vient l’éternelle question : combien de gens savaient, et combien ne savaient pas ? (....)
Mais dans ma pièce Ashes to ashes, je ne parle pas seulement des nazis, car ce serait une négligence de ma part de me contenter de désigner les nazis. Une fois encore, le problème n’est pas seulement que les Etats-Unis ont, de mon point de vue, créé une situation épouvantable dans le monde entier depuis des années, mais c’est aussi que ce que nous appelons nos démocraties ont souscrit à ces actes meurtriers perpétrés dans la répression, le cynisme, et l’indifférence. (…) Ainsi, dans Ashes to ashes, je ne parle pas seulement des nazis ; je parle de nous, de notre propre conception de notre passé et de notre histoire et de ce que cela peut avoir comme répercussions sur notre présent.
Autres voix, Prose, Poésie, Politique 1948-1998
Extraits d’une interview, Harold Pinter, 6 décembre 1996
Le théâtre est une activité publique, de grande envergure, pleine d’énergie. Ecrire, au contraire, est pour moi une activité complètement privée. Poème ou pièce, aucune différence (…)
En général, j’attaque une pièce de manière assez simple ; je trouve deux personnages dans un contexte particulier, je les réunis et écoute ce qu’ils racontent, en restant aux aguets (…)
Mes personnages me racontent tant de choses et pas plus, eu égard à leur expérience, leurs aspirations, leurs motifs, leur passé. Entre mon manque de données biographiques sur eux et l’ambiguïté de leurs dires s’étend tout un territoire, qui n’est pas seulement digne d’exploration mais qu’il est obligatoire d’explorer. . Vous comme moi, les personnages qui se développent sur une page, nous sommes la plupart du temps inexpressifs, repliés sur nous-même, peu fiables, fuyants, évasifs, obstructionnistes, rétifs. Mais c’est de ces caractéristiques que naît le langage. Un langage où autre chose est dit sous ce qui est dit.
Soit des personnages possédant un dynamisme propre, ma tâche n’est pas d’abuser d’eux, ni de les soumettre à une fausse expression, par quoi j’entends forcer un personnage à parler quand il en est incapable, le faire parler d’une manière qui lui est étrangère ou le faire parler de ce dont il ne pourrait jamais parler. La relation entre l’auteur et ses personnages devrait être extrêmement respectueuse, des deux côtés. Et si l’on peut espérer tirer une forme de liberté de l’écriture, cela n’arrive pas en contraignant ses personnages à des attitudes figées et calculées, mais en leur permettant de payer les pots cassés, en leur laissant les coudées franches, ce qui peut être extrêmement pénible. C’est beaucoup plus facile de ne pas les laisser vivre, on souffre bien moins.
En même temps, j’aimerais préciser que je ne considère pas mes personnages comme incontrôlés ou anarchiques. Ils ne le sont pas. La fonction de sélection et d’arrangement me revient. En fait, je me charge de tout le gros œuvre, et je peux dire, je crois, que je prête une attention minutieuse à la forme des choses : de la forme d’une phrase à la structure générale de la pièce. Cette mise en forme est de la première importance. Mais il se produit un double phénomène, je pense. On arrange et on écoute, en suivant les indices qu’on sème pour soi, par l’intermédiaire des personnages. Parfois un équilibre se crée, où l’image peut librement en engendrer un autre et où, simultanément, on est capable de continuer à viser le lieu où les personnages se tiennent silencieux et cachés. C’est dans le silence qu’ils sont les plus évidents pour moi.
Il existe deux silences. L’un quand aucun mot n’est prononcé. L’autre, quand on recourt peut-être à un torrent de parole. Cette logorrhée nous parle d’un langage enfermé en dessous. Le discours qu’on entend est un signe de ce qu’on n’entend pas. C’est une esquive nécessaire, un écran de fumée, violent, sournois, angoissé ou moqueur, qui maintient l’autre à sa place. Quand le vrai silence tombe, on garde encore des échos mais on est plus proche de la nudité. Une manière de voir le discours, c’est de dire qu’il constitue un stratagème permanent pour cacher la nudité.
Nous avons déjà entendu maintes fois cette formule noire, usée : « incapacité à communiquer », qui sert assez régulièrement à étiqueter mon œuvre. Je suis convaincu du contraire. Je pense que nous ne communiquons que trop bien, dans notre silence, dans ce qui n’est pas dit, et que ce qui a lieu est une dérobade continuelle, une suite de tentatives désespérées d’arrière-garde pour faire bande à part. La communication est trop inquiétante. Révéler aux autres notre pauvreté intérieure est une possibilité par trop horrible.
Extraits de la Conférence donnée au Student Drama Festival de Bristol, Harold Pinter, 1962
Pinter jette devant nous deux êtres qui ne se rejoindront jamais, emmurés qu'ils sont l'une dans sa folle douleur, l'autre dans son vain désir de comprendre. Toutes les interprétations sont bonnes, aucune n'est vraie, aucune n'est vraisemblable. Pinter nous laisse nous débrouiller. Rien n'est fait pour nous aider. Les dialogues nous égarent, les interprètes ne convainquent pas. La beauté et la grâce ne suffisent pas. Les décors et l'éclairage soignés ne font pas une mise en scène. On peut toujours se consoler en se disant que la pièce est destinée à un public exigeant. Moi, je dirais indigent. Tu es cendre et tu redeviendras cendre, signifie le titre. Ou tu retourneras au fond du tiroir d'où tu n'aurais jamais dû sortir. Philippe de Saint-Pierre
une superbe performance de Carole Bouquet et Gérard Desarthe ; le texte de Pinter n'est pas facile à suivre, à comprendre mais grâce à ces deux acteurs de talent c'est un moment de pure grâce ...
Tellement mal mis en scène, ennuyeux à mourir, Carole Bouquet hurle son texte - mais qui lui a conseillé de faire ça... - décor pourri. Rien pour sauver la pièce qui est déjà, par elle-même, nullissime.
Magnifique ! Gérard Desarthe & Carole Bouquet : au summum de leur art ! Pièce troublante exigeante pour des spectateurs exigeants...! J'ai été emporté par ce duo parfaitement au diapason ! Carole Bouquet possède l'émotion à fleur de peau cela se ressent et se voit ...J'ai aimé le décor épuré la mise en scène fluide les effets d'ombre minimaliste... Une belle réussite !
Pour 7 Notes
Pinter jette devant nous deux êtres qui ne se rejoindront jamais, emmurés qu'ils sont l'une dans sa folle douleur, l'autre dans son vain désir de comprendre. Toutes les interprétations sont bonnes, aucune n'est vraie, aucune n'est vraisemblable. Pinter nous laisse nous débrouiller. Rien n'est fait pour nous aider. Les dialogues nous égarent, les interprètes ne convainquent pas. La beauté et la grâce ne suffisent pas. Les décors et l'éclairage soignés ne font pas une mise en scène. On peut toujours se consoler en se disant que la pièce est destinée à un public exigeant. Moi, je dirais indigent. Tu es cendre et tu redeviendras cendre, signifie le titre. Ou tu retourneras au fond du tiroir d'où tu n'aurais jamais dû sortir. Philippe de Saint-Pierre
une superbe performance de Carole Bouquet et Gérard Desarthe ; le texte de Pinter n'est pas facile à suivre, à comprendre mais grâce à ces deux acteurs de talent c'est un moment de pure grâce ...
Tellement mal mis en scène, ennuyeux à mourir, Carole Bouquet hurle son texte - mais qui lui a conseillé de faire ça... - décor pourri. Rien pour sauver la pièce qui est déjà, par elle-même, nullissime.
Magnifique ! Gérard Desarthe & Carole Bouquet : au summum de leur art ! Pièce troublante exigeante pour des spectateurs exigeants...! J'ai été emporté par ce duo parfaitement au diapason ! Carole Bouquet possède l'émotion à fleur de peau cela se ressent et se voit ...J'ai aimé le décor épuré la mise en scène fluide les effets d'ombre minimaliste... Une belle réussite !
Un texte abscons, à peine sauvé par une mise en scène épurée. Un acteur qui joue faux et qui ne réussit pas à rendre crédible son personnage.
Le texte de Pinter est volontairement obscur, entre la banalité d'echanges dans un (vieux?) couple et la détresse de la femme dont la mémoire est marquée par l'horreur. Carole Bouquet, magnifique, nous fait toucher cette détresse, mais son partenaire, indifférent ou faussement intéresse, parvient malheureusement a neutraliser, annuler, presque l'emotion. Et, devant la divine Carole, on se prend pourtant a bailler
Superbe pièce. Émouvante. Très bien servie par les comédiens J,en suis sortie bouleversée
Hélas, au dernier moment un deuil m'a empêchée de me rendre au théâtre. J'en suis navrée.
Gérard Desarthe est parfait et juste. Carole Bouquet, mystérieuse et touchante à la fois. On en sort sous le charme, perturbé par le malaise voulu par l'auteur et bien rendu par la mise en scène et le jeu des acteurs. À voir, malgré la lenteur du texte.
55, rue de Clichy 75009 Paris