Mathieu Bauer nous invite au cœur du territoire miné de la bureaucratie et de sa tentaculaire administration. Dans cet étourdissant labyrinthe kafkaïen, les silhouettes, les seconds rôles et les figurants deviennent les personnages principaux d’une histoire re-racontée de l’Amérique.
Les élèves du groupe 46 de l’école du Théâtre national de Strasbourg ont embarqué durant leur dernière année d’étude avec Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny pour une épopée musicale absurde et abrasive. Ensemble, ils forment l’orchestre vagabond des demandeurs qui occupent les couloirs du grand Théâtre de l’Oklahoma, décor du dernier chapitre de L’Amérique de Kafka.
Leur appétit, leur envie, leur désir de s’emparer de tous les rôles font exploser les assignations et repoussent les murs des salles d’attente où on les confine. L’énergie vitale du groupe nous parvient à travers une myriade de scènes, écrites pour eux par Marion Stenton, également élève dramaturge à l’école du TNS. D’un côté, les mesureurs méticuleux, les gestionnaires et leur sémantique administrative désarmante ; de l’autre, les ventres vides, les accents de l’urgence, le tremblement du trac, les inflexions rageuses de la nécessité.
L’univers musical de Sylvain Cartigny et de Jean-Philippe Gross ouvre d’autres espaces, d’autres temporalités, pour faire entendre, derrière la joyeuse polyphonie des langues qui se bousculent, dans les interstices et les silences, les appels de détresse des laissés-pour-compte du dreamland américain. Ici, Noël se fête dans un ouragan blanc de papiers. Mais qu’y a-t-il au-delà du formulaire ? La possibilité d’un troc, d’un échange de récits. Une main se tend, appelle, montre, une main donne.
Quand les récits d’adversité occupent la scène, on aperçoit dans un recoin le point de lumière tremblant d’une cigarette partagée, réconfort éphémère mais signe bien réel, rougeoyant, d’une humanité (encore) commune.
« Pris dans une sorte de tourbillon, les jeunes interprètes semblent en orbite d’un délire qui risquerait de les happer et freiner leur formidable élan. Il n’en est presque rien. » Sceneweb
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