Du mariage au divorce
La farce conjugale
Du mariage au divorce
Les résumés
Il fuse un plaisir jubilatoire, irrépressible, de l'implacable mécanique comique que Feydeau ajuste avec une rigueur toute diabolique. Dans ses farces conjugales en un acte, regroupées sous le titre éloquent Du mariage au divorce, celui qui a porté le vaudeville à la perfection trempe sa plume dans les saveurs acides de la désillusion amoureuse.
Avec Feu la mère de Madame (1908), Léonie est en avance (1911), Mais n'te promène donc pas toute nue ! (1911), Hortense a dit : Je m'en fous ! (1916), il glisse son regard d'entomologiste des facéties humaines dans l'intimité domestique pour croquer la turpitude et l'égoïsme ordinaire avec une caustique gourmandise. Il dit les lâchetés crapoteuses, la cruauté oisive, la discorde endémique qui envenime le quotidien quand le feu de la passion s'étiole en flammèche. Il suffit d'un rien, un mot déplacé, un malentendu, et la situation dégénère en un jeu de massacre qui n'épargne personne. Si les maris sont couards, trompeurs, benêts, les femmes, capricieuses, irresponsables, jalouses, rivalisent aisément dans la mesquinerie.
Pour Laurent Laffargue, ces portraits de couples, âprement étrillés dans leur petit intérieur débraillé, n'ont pas pris une ride. Le metteur en scène tire les fils de Feydeau pour tisser un diptyque tendu à bloc. Formidable chef de troupe, il orchestre en maestro le jeu de rôles qu'est la vie maritale et actionne la machine infernale qui empiège les personnages dans leurs piteux mensonges. Et tourne, tourne, le manège ! Jusqu'à ce que la réalité bascule dans les vertiges effrayants de l'absurde. Seul le fou rire permet d'y échapper !
Après avoir porté le Vaudeville du XIXème siècle à son plein épanouissement, Feydeau délaisse les grandes mécaniques vaudevillesques en faveur d’un nouveau genre : "la farce conjugale" en un acte dont le comique féroce et poignant lui a peut-être été inspiré par l'échec de son mariage avec Marianne Carolus-Duran.
Rapidement, Feydeau fait l'unanimité des critiques en sa faveur, il se vit pillé par ses confrères, célébré par des hommes d'un esprit bien différent du sien comme Jean Richepin, Catulle Mendès.
On a pu sans exagération le comparer au Molière des Fourberies de Scapin, du Bourgeois gentilhomme. Personne, dans l'époque contemporaine, n'a eu aussi naturellement et spontanément que Feydeau la vertu comique, mais son originalité est d'avoir réussi à donner, par la truculence bouffonne de la charge, une vérité psychologique, une image suggestive de la vie.
Le comique de Feydeau n'exclut pas une certaine vérité dans laquelle la bourgeoisie fin de siècle et le monde interlope parisien se reconnaissent et retrouvent leurs fantasmes et désirs inassouvis. Si la morale est presque toujours sauve, elle le doit visiblement à la seule convention théâtrale.
Feydeau, dans ses dernières œuvres, écrit un théâtre qui presse la catastrophe : un théâtre d'avant-guerre. Il y a chez lui cette conviction que le mode de vie auquel son couple - et la France d'alors - s'accroche encore désespérément, n'en a plus pour longtemps : ce qui nous rapproche de lui…
Laurent Laffargue a choisi de réunir quatre courtes pièces de l’auteur (Feu la mère de Madame, Léonie est en avance, Mais n’te promène donc pas toute nue et Hortense a dit je m’en fous) qui traitent des rapports conjugaux face à des situations parfois rocambolesques et absurdes. Feydeau avait lui-même pensé ses quatre pièces (avec en plus On purge bébé) comme le trajet du couple de son mariage, aux accrochages, malentendus, désaccords qui mènent parfois à la séparation.
Le projet intitulé Du mariage au divorce réunira dix comédiens (entre autres Océane Mozas, Agathe Chouchan, Philippe Vieux, Pascal Vannson). Les pièces seront présentées en diptyque, sous forme d’alternance, sur deux soirées consécutives. Des intégrales seront également proposées au public.
« Feu la mère de Madame »
Cela aurait pu être une nuit tranquille. Madame se couchait, Madame
s'endormait, Madame rêvait... Mais au lieu de cela, Monsieur rentre, éméché,
du bal des Quat'-Z-arts. Scène de ménage. Madame en appelle à sa bonne,
Annette, pour témoigner en faveur de sa beauté. Scène épique ! Et l'on
frappe à la porte pour annoncer la mort de la mère de Madame. Scène
tragique... Les retournements de situation se succèdent et mieux vaut patienter
jusqu'au baisser de rideau pour s'assurer des événements. Une fois encore, le
Ciel peut attendre !
« Léonie est en avance »
Une femme enceinte acariâtre, un mari débordé, une sage femme
dominatrice, une belle mère castratrice, un médecin moqueur et une naissance
qui n'en finit plus de ne plus finir.
Dans une famille bourgeoise Léonie est sur le point d’accoucher. Hélas ! les règlements de compte et les mesquineries entre beaux-parents et gendre vont bon train, l’arrivée d’une sage-femme tyrannique finit de chambouler toute hiérarchie dans la maison, et ce qui devait être un moment de joie va tourner à la catastrophe.
Léonie est en avance a été représentée pour la première fois le 9 décembre 1911 à la Comédie Royale. Cette pièce crée en permanence un mouvement accéléré. La chiquenaude initiale - un quiproquo, une rencontre intempestive - provoque une série de rebondissements en cascade, de péripéties saugrenues, de situations cocasses, et brusquement tout obéit à la folle logique d’un fatum implacable. Les personnages passent continuellement de la crainte au soulagement et vice-versa, saisis de fébrilité, vivant dans une urgence qui leur interdit toute réflexion.
« Mais n’te promène donc pas toute nue »
Le député Ventroux reproche à sa femme de se montrer trop souvent en tenue légère
devant leur fils, ou devant Joseph, leur domestique. Lorsque monsieur Hochepaix,
maire de Moussillon-les-Indrets, adversaire politique de Ventroux, vient
solliciter une faveur pour ses administrés, Clarisse apparaît une fois de plus
au salon dans la même tenue, provoquant de nouveau la fureur de son époux.
Or la jeune femme est piquée à la croupe par une guêpe. Persuadée que son cas est grave, elle prie son mari de bien vouloir lui sucer la plaie. Son mari refusant, elle sollicite logiquement monsieur Hochepaix, qui se dérobe, évidemment. Il va falloir faire appel au médecin. Sur ces entrefaites, Romain de Jaival, journaliste au Figaro, vient interviewer Ventroux…
« Hortense a dit je m’en fous »
Monsieur Follbraguet, dentiste de profession, vient de soigner Monsieur
Vildamour. A peine l’opération achevée qu’il doit affronter la colère de
sa femme.
Celle-ci ne peut décidément plus s’accommoder du vocabulaire « fleuri » de sa femme de chambre… Comment peut-elle laisser passer cet audacieux : « Je m’en fous » proféré franchement en réponse à ses ordres ? Elle ne laissera pas passer ce trait peu distingué et l’effrontée devra être renvoyée... Prenant son mari à partie, une querelle de couple électrise le cabinet dans un ballet comique de domestiques et de clients souffreteux, de rage de dent et de mal d’amour.
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt