Le narrateur, jeune enfant, détestait les clowns et trouvait particulièrement ridicules et embarassantes les pitreries auxquelles s'adonnait son père, instituteur, qui passait tout son temps libre habillé en auguste, allant jusqu'à délaisser sa vie familiale. Un jour, son oncle Gaston lui raconte comment ce père et lui sont entrés dans la résistance à la fin de la II ème guerre mondiale, comment ils se sont faits arrêter et retenus comme otages par les allemands, comment ils sont gardés par un soldat clown qui refuse de perdre son humanité, et comment ils ont été sauvés in extrémis par le sacrifice extraordinaire d’un inconnu.
Ce passé mouvementé mêlant quiproquo, humour, peur, et amour éclaire l'esprit de l'adolescent sur les faits et gestes de son entourage marqués par la guerre. Il comprend alors la complicité muette de sa mère vis à vis de son père, les pirouettes clownesques de celui-ci et aussi sûrement le plus important la grandeur de l’homme et le devoir de mémoire que tout individu doit assumer durant sa vie.
En hommage au père disparu, le jeune garçon devenu adulte se rend sous le déguisement d’un clown, à Bordeaux au procès de Maurice Papon, l’ancien fonctionnaire du régime vichyste.
Effroyables Jardins, une histoire toute simple racontée avec beaucoup de pudeur, des personnages d’une rare humanité, un texte d’une grande sensibilité.
Quand André Salzet m’a proposé de mettre en scène le texte de Michel Quint, Effroyables Jardins, je me suis demandée en quoi ce récit pourrait avoir un écho suffisamment profond en moi pour que je puisse l’offrir au public.
D’origine brésilienne, j’ai vécu, quand j’étais adolescente dans les années 70, la dictature militaire au Brésil. L’interdit, là-bas non plus, n’avait pas de limites comme la violence d’ailleurs : interdits de se réunir, de parler, d’écrire, de lire certains ouvrages. La censure et le silence étaient la règle ; la peur était vécue au quotidien par tous, peur la nuit d’entendre les pas des paramilitaires venir vous enlever, peur le jour du regard du policier ou du voisin, de l’autre qui pouvait, aussi, être du côté du mal...
Effroyables Jardins fait surgir en moi tout d’abord, les bribes de la mémoire oubliée, les réminiscences de l’adolescence, ce « réveil fortuit de traces anciennes dont l'esprit n'a pas la conscience nette et distincte » dont parle Sainte- Beuve. Le narrateur, haut fonctionnaire à la Commission Européenne se souvient et « conte » son histoire : le rendez-vous manqué avec son père sur le quai de la gare de Lille en partance vers Bordeaux où doit se dérouler le procès Papon. La mort sur ce quai de ce père instituteur, pitre, clown triste et ridicule déclenche cet insoutenable besoin de raconter et de susciter l’image de celui qui fut la cause de toutes ses douleurs et de toutes ses hontes. Il comprend enfin, la bravoure et la fraternité que son père, résistant, dissimule derrière son humilité. Ce fils qui, à la mort du père tellement rejeté, est capable de faire cet effort de résurgence de la compassion rejoint notre histoire à tous.
Ombres et lumières !
Un couloir de lumière dans la vie étriquée de ce haut fonctionnaire où les ombres surgissent et s’imposent dans son présent, si soudaines et si réelles. Il lui est impératif de se souvenir et de se raconter. Une mémoire oubliée qui se veut perdue dans le trop plein de sentiments contradictoires, la mesquinerie de l’adolescent face à la présence de ce père au passé dérisoire de résistant. Sur la scène, face à un mannequin, peut être à une marionnette qui, tour à tour, représente le père, l’oncle Gaston, le « conteur » peut, enfin se livrer sans retenue : « J’ai tout ressorti, tout épousseté » avoue-t-il.
Ombres et lumières !
Un brouhaha de hall de gare, celle aussi d’une salle des pas perdus de palais de justice. Des images fugitives et subliminales d’une foule traversant l’espace.
Autant de fantômes évoqués par le souvenir de l’homme conteur …
Autant de fantômes surgissant dans les plaidoiries du procès Papon …
Autant de fantômes enfouis dans nos vies…
Márcia de Castro
" La pièce opère une introspection pleine d'émotion portée par un comédien, les chaires à vif au fur et à mesure que la chrysalide laisse naître le papillon. Laissez-vous surprendre par cette mue. " Magazine Théâtral
" La mise en scène est sobre, d'ombre et de lumière, entre tragédie et espoir. André Salzet, qui triompha dans " Le joueur d'Echecs " plonge le public au coeur d'un conte très...réel. La folie des hommes y prend souvent le pas sur la raison, mais, à la fin, c'est l'amour et la tendresse d'un sourire qui gagnent. On dit alors un seul mot : bravo ! La Provence
" Dans un décor dépouilél, le comédien parvient à travers un jeu subtil à nous transmettre une tout autre image de cet épisode historique (la Résistance). " Le Comtadin
" Le juste équilibre entre un réalisme induit par des situations et un soupçon de mystère propre à l'univers du conte, souligne la richesse de ce texte mis en scène avec sobriété par Marcia de Castro et auquel le comédien transmet toute la générosité, l'humour, la tendresse et, précisons-le, toute façon ludique et pédagogique à la fois. Une performance incandescente " . Rue du Théâtre
17, rue René Boulanger 75010 Paris